Après le récent La vie domestique,
Emmanuelle Devos continue d’explorer les désastres de la vie conjugale et à
force d’explorer se retrouve perdue au beau milieu des bois, tentant d’échapper
désespérément à plein de choses obscures, et surtout à Mathieu Amalric. Vraie
comédie dramatique hésitant intelligemment entre le rire et le désespoir, le
long métrage de Sophie Fillières vaut le détour, quitte à se perdre un peu en
route.
A force de télécharger, même eux n'ont plus les moyens d'aller au resto |
On sait depuis un moment déjà qu’Emmanuelle
Devos peut porter un film à elle toute seule, et Sophie Fillières n’est pas la
première cinéaste à avoir saisi l’astuce, le cinéma français n’aimant rien tant
que les recettes faciles pour multiplier les films à l’infini à partir du même
principe. Ceci étant dit, on ne peut pas reprocher à Emmanuelle Devos d’être
une des meilleurs actrices de l’histoire du cinéma français (oui, j’attends vos
courriers argumentés si vous trouvez quelque chose à y redire) et de savoir
dire autant avec une inflexion des sourcils ou un éclat dans le regard que ce
que d’autres acteurs mettent des films entiers à essayer laborieusement d’exprimer.
C’est ainsi, je ne sais pas si elle a plus bossé ou si un petit génie s’est
penché sur son berceau mais peu importe, ce je-ne-sais-quoi elle l’a.
Aussi parfaite soit-elle,
Emmanuelle Devos n’a pourtant pas encore le pouvoir de transformer la boue en
or et de faire d’un nanar un chef d’œuvre. Il fallait donc à Sophie Fillières
un minimum d’intelligence pour emmener Emmanuelle Devos errer dans les bois à
la recherche de son temps perdu sans tomber dans la pure contemplation de ses
faits et gestes, exercice de style qui peut toujours s’avérer intéressant mais
sans doute un peu limité.
Au lieu de cela, Arrête ou je continue sait assez
subtilement se faire le récit d’un dialogue impossible, d’un duel entre deux
êtres se parlant sans se comprendre, et devant se séparer un instant sous peine
de s’autodétruire mutuellement. Séparation donnant lieu à deux errances, dont l’improbable
retour à la nature d’Emmanuelle Devos, donnant une toute autre tonalité à un
film rompant alors complètement avec les canons de l’habituel drame familial
français en huis clos, bol d’air salutaire donnant une belle respiration au
film.
Le film de Sophie Fillières est
aussi un difficile pari, celui de mêler si finement comique et tragique que les
frontières finissent par s’effacer pour donner place à une œuvre indéfinissable,
semblant même parfois hésiter elle-même sur sa propre finalité. Une dualité d’ailleurs
sans cesse incarnée dans le jeu d’Emmanuelle Devos et de Mathieu Amalric, assez
touchant de maladresse même si son personnage plus en retrait ne lui autorise
pas les mêmes largesses que son acolyte.
Sophie Fillières leur demande
effectivement beaucoup, les embarquant dans de véritables montagnes russes où
un échange comique peut à tout moment basculer dans le tragique, et
inversement, défi assez gigantesque pour un acteur quel qu’il soit. Près de
vingt ans après leur première partition commune dans Comment je me suis disputé … (ma vie sexuelle), Emmanuelle Devis et
Mathieu Amalric parviennent heureusement à créer l’alchimie nécessaire pour
faire vivre des scènes et des dialogues parfois très laconiques, et menaçant de
s’écrouler à chaque seconde sans la bonne intonation ou la bonne expression du
visage.
Un laconisme virant certes de
temps en temps à la théâtralité, un des rares reproches que l’on peut faire au
long métrage de Sophie Fillières qui parait parfois se complaire un peu dans l’ambiguïté,
sans véritable volonté d’en sortir. Pour telle son héroïne en sortir d’ailleurs
assez abruptement dans une fin allant à l’essentiel mais tout de même
légèrement bâclée, ou en tout cas pas complètement satisfaisante au vu de
toutes les pistes explorées jusque-là.
Cela n’enlève toutefois rien à un
film très personnel, véritablement original et excellemment interprété, qui
touche assez souvent juste pour parler un peu à chacun de nous.
Évidemment, c’est plus facile
avec Emmanuelle Devos.
Note : 8 (Barème notation)
Pour vous faire un avis par vous-même : la bande annonce
A suivre : Diplomatie
Vas-y casse toi ! De toute façon je m'en fous je tourne avec Wes Anderson maintenant moi ! |
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