Eternels seconds rôles du cinéma d’auteur français, Maryline Canto et
Antoine Chappey s’offrent enfin leur film rien qu’à eux avec une œuvre très
minimaliste, résolument tournée vers les sentiments et rien d’autre. Un peu froid
aux premiers abords, Le sens de l’humour
fait le pari de la pudeur, ne s’offrant pas d’emblée au spectateur pour le
laisser entrer pas à pas dans un univers finalement plus généreux qu’il n’y
parait, introspection oblige.
Rien de mieux pour passer un bon dimanche que d'aller kidnapper un enfant dans un parc avec sa compagne |
Je n’aurais sûrement pas fait du Sens de l’humour une de mes sorties les
plus attendues du début de l’année si je n’avais pas déjà vu Maryline Canto et
Antoine Chappey se donner la réplique dans Le prochain film l’été dernier. C’est donc tout logiquement que j’espérais que
le premier long métrage de Marilyne Canto ait la même tonalité aigre-douce
tantôt comique tantôt mélancolique qui m’avait séduit dans le dernier film de
René Féret, ce que la bande annonce pouvait laisser présager.
Manque de bol, Le sens de l’humour a une conception de
l’humour assez particulière, ou prend en tout cas soin de ne pas trop en user
histoire de ne pas l’abîmer. Qui sait, tout est fragile.
Blague à part (oui filons la
métaphore) et passée la comparaison avec Le
prochain film qui n’a au fond pas spécialement lieu d’être puisque ces
films n’ont rien d’autre en commun que deux acteurs au casting, Le sens de l’humour ne m’a pas pour
autant déçu, loin de là.
Je mentirais certes si je disais
qu’il m’a conquis dès les premières secondes. Délibérément minimaliste, Le sens de l’humour n’est pas le genre
du film qui prend le spectateur par la main dès les premières scènes pour l’amener
tout de suite là où les choses se passent. Refusant toute dramatisation
excessive et tout effet de manche, le film de Maryline Canto y gagne ainsi une
vraie sincérité mais met également un certain temps à se dévoiler, ses premiers
instants ayant presque des airs documentaires, surtout avant l’arrivée à l’écran
d’Antoine Chappey.
Pas évident donc de rentrer dans
ce récit où rien n’attire l’œil et où la musique et les seconds rôles sont
réduits au strict minimum, ce dénuement très artisanal n’étant forcément pas au
goût de tous. Il serait pourtant dommage de s’arrêter là car passé cet écueil Le sens de l’humour se révèle d’une vraie
intelligence et d’une beauté discrète mais bien présente. Maryline Canto réussit
ce pari en allant jusqu’au bout de son ambition de vérité : mettant de
côté tous les superflus obstruant habituellement la vue des spectateurs, elle
ne filme ainsi plus que les sentiments purs et simples (ou compliqués), tout
son film reposant alors entièrement sur les émotions transmises à ses
spectateurs par le biais de quelques mots et expressions. Un vrai tableau impressionniste ou les silences parlent parfois autant que les mots, et où la figure obsédante de l'époux mort constitue presque un personnage à part entière. Il fallait bien sûr pour être à la hauteur de cette ambition une
qualité, une unité et une constance irréprochables dans l’interprétation. C’est heureusement le cas ici, celle-ci
étant assez fine pour que tout cela sonne juste, une nécessité pour un film
relevant à un tel point le défi de la simplicité.
De toute évidence très personnel,
ce Sens de l’humour évite de plus assez
habilement les pièges de la quasi autobiographie gênante pour livrer une
histoire universelle accessible à tous, évidemment pas révolutionnaire mais
déroulée avec assez d’épaisseur psychologique pour mériter que l’on s’y attarde
un peu. Gagnant par ailleurs progressivement en élégance formelle, le film de
Maryline Canton dispense même de vraies belles scènes à mesure que la fin se
rapproche, l’atmosphère sonore finissant elle aussi par se révéler intéressante
avec un thème musical astucieusement répété, assez proche de ce qu’avait pu
faire Philippe Garrel dans le récent La Jalousie.
S’il serait bien entendu excessif de
dire que l’on en sort transformé, Le sens
de l’humour tire néanmoins intelligemment parti de l’effet de proximité
pour offrir 90 belles minutes d’introspection dans une vie des autres qui
ressemble forcément au moins un tout petit peu à la nôtre. Sans être bavard, il
parle et interpelle donc assez pour dire quelque chose sur chacun de nous, et c’est
déjà beaucoup.
Note : 8 (Barème notation)
Pour vous faire un avis par vous-même : la bande annonce
A suivre : The Grand Budapest Hotel
Cette scène a du être répétée des mois à l'avance. Admirez le souci des détails dans les accessoires. |
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