Ayant toujours besoin de gros noms pour appâter le cinéphile, Hollywood
n’a pas hésité à donner 130 millions de budget à Darren Aronofsky pour s’essayer
à la réécriture des Textes, mais s’est bien gardé de lui donner les moyens de
faire un film à lui. Si le réalisateur de Black
Swan a certes l’audace de prendre quelques libertés avec le récit biblique
originel, c’est nettement moins le cas artistiquement parlant, faisant de son Noé un péplum moderne bien tiède ressemblant
parfois plus à une production Marvel qu’autre chose, mais en tout cas pas à un
film de Darren Aronofsky.
La prochaine mode automne / hiver à Paris promet beaucoup. Quelle audace. |
Il est au fond difficile de
reprocher à Darren Aronofsky de n’avoir pas su faire de ce Noé autre chose qu’un blockbuster de plus, les studios
hollywoodiens n’ayant aucune raison de jeter des seaux entiers de dollars par
les fenêtres si ce n’est pour avoir un retour minimal sur investissement, et
donc des bons gros films à papa vu et revus mais taillés pour faire péter les
chiffres au box-office.
Il reste à voir si Noé assurera à l’industrie
cinématographique américaine assez de sous-sous pour en produire quelques
autres à l’avenir, on a hâte, mais forcé de reconnaître que Darren Aronosfky,
en plus d’être un sacré cinéaste, est aussi un type fiable puisqu’il livre avec
Noé une commande sûrement conforme en
tout lieu à ce que devaient attendre ses sympathiques employeurs, à savoir un
film techniquement bien foutu et avec jusqu’à assez d’illusion de fond pour
faire croire à une œuvre artistique potable. Pour le reste, il faudra repasser.
A part la mention « Directed
by Darren Aronofsky » affichée à la fin du film en forme de clin d’œil,
rien ne permet ici de deviner que l’on est dans l’univers du réalisateur de Requiem for a dream, celui-ci ayant bien
pris soin d’aseptiser chaque recoin de son film pour ne pas faire de peine à
des producteurs n’étant pas là pour encourager le cinéma d’art et d’essai.
Techniquement maîtrisé, mais c’est
bien le minimal syndical vu les moyens financiers mis à disposition, son film
ne porte en effet aucune autre véritable ambition artistique, tout semblant
fonctionner en pilote automatique comme si l’on avait filmé ce Noé à la suite d’un
Ironman ou d’un Avengers en remplaçant les superhéros par ces étranges « Veilleurs »
inventés pour l’occasion et qui sont certes peut-être l’unique innovation digne
d’intérêt d’une œuvre qui n’innove à part ça sur pas grand-chose.
Réalisé comme à peu près tous les
blockbusters américains sortant depuis 20 ans et étrangement fade même dans sa
photographie (si l’on exclue certaines séquences new age sur la Création assez
proches de ce que Disney avait pu faire dans le Roi Lion), Noé n’est pas
non plus stimulé par les performances de ses acteurs, tous assez apathiques et
pas vraiment investis par l’importance de leur tâche, Russell Crowe le premier
d’ailleurs. Difficile certes de faire grand-chose d’autre au vu des dialogues
proposés, énième déclinaison d’un catéchisme vaguement chrétien et surtout
mièvre tournant de plus en plus en rond à force d’agiter des mots et des phrases
sans en comprendre le sens, discours minimal auquel s’ajoute une forme de
plaidoyer moralo-écologiste un peu ridicule qui fait plus sourire qu’autre
chose.
Au-delà de ces limites, on ne
peut par ailleurs pas s’empêcher que Noé est
un film qui a mal choisi son époque, nombre de grands péplums historiques et
bibliques devant finalement leur prestige avant tout au spectacle offert à des
spectateurs qui n’étaient alors pas habitués à de tels déluges d’effets
spéciaux, plus qu’à des grandes performances d’acteurs ou parti pris
artistiques. A l’heure où l’on pourrait produire 50 Ben Hur par an et autant de Titanic
par décennie, il est hélas bien normal que l’effet de surprise et de rareté ne
joue plus aussi bien et que l’on attende de Noé
autre chose qu’une comptine gigantesque par ses moyens financiers mais
minuscule par sa portée symbolique. Là où les Marvels ont au moins l’avantage d’essayer
de contrer l’effet de répétition par l’humour et le second degré, Noé reste lui désespérément sérieux sans
avoir grand-chose à dire de très intéressant, sa réécriture du mythe biblique n’étant
guère moins convenue que la version originale, et en tout cas un peu légère
pour remplir plus de deux heures de séance.
Si Darren Aronofsky a encore
assez de talent pour ne pas faire de ce Noé
un complet désastre, reste que l’on a du mal à ne pas voir dans ce film de
commande un immense gâchis de moyens financiers et de talents, plusieurs Black Swan étant sans doute possibles
rien qu’avec le budget maquillage d’Emma Watson, dont la présence dans ce film
n’a clairement aucun autre intérêt que de rameuter dans les salles tous les
fans d’Harry Potter n’ayant pas fait le deuil d’Hermione.
Espérons au moins que Darren
Aronofsky s’est assez rempli les poches pour ne plus avoir à nous pondre ce
genre de blockbusters dans les années à venir. Ça serait au moins ça de gagné.
Note : 6 (Barème notation)
Pour vous faire un avis par vous-même : la bande annonce
A suivre : Tom à la ferme
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