Si jeune mais déjà pressé de réinventer son cinéma, Xavier Dolan fait
ses premiers pas dans un nouveau genre, le thriller, avec lequel il flirtait
finalement depuis ses débuts. Exercice de style très académique voire même
scolaire, Tom à la ferme est
peut-être formellement son film le plus abouti à ce jour mais pas forcément le
plus intéressant, le forme prenant ici souvent le pas sur une certaine finesse
psychologique à laquelle il avait pu nous habituer par le passé.
La défaite de NKM à Paris ne passe décidément pas. |
A bien y réfléchir, Xavier Dolan
devait flirter depuis un moment avec l’idée de s’essayer un jour au thriller
pur et simple : après tout son premier film ne s’appelait peut-être pas J’ai tué ma mère pour rien. Au-delà de
la coïncidence, il y avait déjà dans toutes ses précédentes œuvres (Les amours imaginaires, Laurence Anyways) une attention extrême
à la tension habitant ses personnages, régulièrement traversés par des pulsions
qui les dépassent. En quête d’identité, de sa sexualité et d’une foule d’autres
sentiments refoulés, le héros dolanien est en effet toujours rongé par quelque
chose, cette obsession de la recherche de soi étant au cœur du cinéma du jeune
Québécois.
C’est cette tension, sous ses
manifestations physiques très primaires, que Xavier Dolan installe au cœur de
ce Tom à la ferme, le prisme du
thriller lui permettant de filmer au plus près la fébrilité presque névrotique
qui semble hanter chacun ses personnages. Il s’agit en effet de montrer que le
naufrage peut intervenir à tout instant, et c’est de ce point de vue assez
réussi.
Il faut dire qu’en surdoué qu’il
est, Xavier Dolan n’a aucun mal à faire sien le genre du thriller
psychologique. De Hitchcock à David Fincher, il récite ainsi des classiques qu’il
a parfaitement su ingérer puis mettre en pratique à son tour dans son propre
univers, faisant de ce Tom à la ferme
un exercice académique indéniablement réussi, et en tout cas tout à fait
conforme aux canons esthétiques habituels des grands thrillers américains. Très
investi par cette mission, peut-être par souci de légitimation artistique,
Xavier Dolan égrène en effet tous les codes : attention aux bruits, nappes
sonores venant souligner chaque tournant ou faux tournant dramatiques, jeu sur
les symboles, … Tout y est à peu près de ce côté-là.
Visiblement obsédé par la volonté
de montrer qu’il sait faire du thriller comme ses idoles, Xavier Dolan oublie
malheureusement en route d’autres ingrédients qu’il avait pourtant l’habitude
de dispenser avec talent dans ses précédents films. Sacrifiant au fond un peu
le fond à la forme, il néglige quelque part la psychologie de ses personnages et plus
généralement la finesse scénaristique de son œuvre, au final un peu prévisible
et beaucoup plus banale que ne le laisse à penser ses effets de style.
Bâti sur une intrigue vite
épuisée et tournant assez vite en rond, Tom
à la ferme peine à ne pas lasser et perd progressivement en intérêt à
mesure que la fin approche, ses derniers tournants dramatiques n’étant ni
particulièrement crédibles ni vraiment très bien traités, impression hélas
accentuée par un dénouement assez décevant, ou en tout cas un peu court.
A la différence de ses autres
œuvres, Xavier Dolan semble au fond rester ici en surface des choses sans jamais
vraiment s’attaquer aux nœuds dramatiques et psychologiques qu’il installe,
comme prisonnier d’une ambition formelle qui annihilerait tout le reste. Certes
pas désagréable ni dénué de qualités, Tom
a la ferme est pourtant un film presque anodin, qui peine à trouver sa
place dans la filmographie et l’univers de son auteur.
Son prochain et déjà très attendu
film (Mommy) sortant au prochain
festival de Cannes dans moins d’un mois, faut-il alors croire que ce Tom à la ferme ne serait qu’une
petite escapade artistique mineure simplement destinée à l’occuper entre deux
œuvres majeures ? Un procès d'intention peut-être un peu excessif mais la question mérite d'être posée.
Note : 7 (Barème notation)
Pour vous faire un avis par
vous-même : la bande annonce
A suivre : Night Moves
"Cet endroit a l'air charmant les enfants, chérie on s'arrête pour pique-niquer ?" |
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