vendredi 18 juillet 2014

Jimmy's Hall

Drame de Ken Loach
Grande-Bretagne - 1h49
Avec Barry Ward, Simone Kirby, Andrew Scott, Jim Norton

Un étrange spin-off de The Office où Jim a toujours un bureau mais un nouveau boss moustachu encore plus inquiétant que Michael Scott

(Bref aparté après cette petite pause pour vous dire que j'ouvre ici un très court cycle "Vieux débris" qui avec Ken Loach et André Téchiné s'attardera sur de vieux cinéastes bien passés de mode et qui n'intéressent plus que quelques critiques parisiens et d'irréductibles intellectuels idéalistes, souvent parisiens aussi. Des chroniques qui risquent donc de toucher un très large public, belle idée pour un retour)

Présentation : Jimmy (Barry Ward), esprit libre et militant communiste, revient dans son petit village irlandais après 10 ans d'un exil forcé en Amérique pour avoir mis des bâtons dans les roues de l'establishment et du curé local. Supplié par une jeunesse frustrée par le peu d'opportunités se présentant à elle, il rouvre la petite MJC qui lui avait causé tant de torts 10 ans auparavant, où l'on danse le jazz et apprend la poésie irlandaise tout en se passant des tracts communistes sous la table. Bizarrement, les choses vont encore se compliquer pour lui ... Ah, et il retrouve aussi sa chère Oonagh (Simone Kirby), abandonnée 10 ans avant et qui ne l'a bien sûr jamais oublié.

Si Ken Loach avait surpris son monde avec l’étonnamment léger La part des anges sorti en 2012, ce Jimmy's Hall marque au contraire un retour à l'essence même de son cinéma : la lutte, la radicalité politique, les héros sans peur et sans reproches, ... Difficile d'ailleurs de ne pas tout de suite penser à une forme de suite du récent Le vent se lève, qui avait considérablement relancé l'intérêt du microcosme pour ce vieux gauchiste de Ken Loach. L'Histoire avec un grand H, la lutte du peuple irlandais, la lutte tout court, ... on retrouve en effet pas mal d'éléments semés en chemin laissant à penser que le parallèle n'est pas innocent.

C'est en partie vrai, notamment au niveau de l'esthétique, extrêmement classique mais donnant des accents finalement très hollywoodiens au film, rappelant presque la récente apologie lincolnienne de Spielberg dans ses constants jeux d'ombres et lumières (à noter ici la très belle scène de découverte du fameux hall, où la lumière se fait quasi religieuse). C'est en revanche un peu moins vrai sur le fond, l'habituel schématisme de Ken Loach prenant ici des proportions parfois un peu gênantes, notamment à travers des dialogues assez caricaturaux pas toujours très inspirés. A force de rechercher le lyrisme à tout prix, Ken Loach réussit bien sûr parfois à émouvoir mais alourdit aussi un film qui aurait sans doute gagné à se faire un peu plus léger, car finalement bien plus anecdotique que pouvait l'être Le vent se lève.

Ce manichéisme, qui n'est peut-être rien d'autre qu'un messianisme laïc, est d'ailleurs la conséquence logique de la volonté même de Ken Loach de mettre au centre de son film la belle idée que communistes, catholiques et hommes de bonne volonté de tous les horizons n'auraient qu'à se réunir dans l'amour de leur prochain, le radicalisme politique des uns n'étant finalement qu'un lointain écho de la supposée vocation sociale de l’Église. Cette réconciliation du spirituel et du temporel, aussi louable soit-elle peut-être d'un point de vue moral, ne convainc pas complètement cinématographiquement et accouche d'un film finalement bien moins radical que ce à quoi Ken Loach nous avait habitué.

Faute d'un lyrisme complètement réussi, reste tout de même dans le fond un assez beau film sur l'engagement dans ce qu'il a de plus pur et de plus personnel, qui complète agréablement une filmographie toute entière consacrée à la lutte de l'homme pour sa dignité et sa liberté.

Comme je ne me voyais pas finir sur cette formule incroyablement solennelle, quelques autres pensées :
  • Difficile de croire que le grand discours de Jimmy sur les racines de la crise de 1929, la misère qu'elle a occasionné et la nécessaire lucidité face à ses responsables n'est pas une évidente allusion, pas forcément très subtile, au contexte social actuel. Vas-y Ken, tu les auras tous ces salauds.
  • Très frustrant que la musique ne joue pas un plus grand rôle dans ce film, où les scènes de danse comptent pourtant presque toutes parmi les moments forts. Le thème de l'importation du jazz américain des années folles dans la campagne irlandaise était pourtant une fantastique idée qui aurait méritée d'être un peu plus exploitée.
  • Les producteurs du film avaient à l'origine décidé de nommer la version française La légende de Jimmy, mais ont du y renoncer par peur de n'attirer que n'attirer des fans de Diane Tell, de Michel Berger et de mauvaises comédies musicales. Sans doute la décision qui s'imposait.

Note : 7 (Barème notation)

La bande-annonce



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