jeudi 31 juillet 2014

Sunhi

Comédie dramatique de Hong Sang-Soo
Corée du Sud - 1h28
Avec Yu-Mi Jeong, Seon-Gyun Lee, Jae-Yeong Jeong, Sang-Jung Kim

Le prochain Woody Allen sera donc tourné à Séoul. Pour le reste, toujours des cols roulés et des vestes en velours rassurez-vous.

Présentation : Sunhi, jeune étudiante coréenne en cinéma plus si jeune que ça, veut aller continuer son cursus aux États-Unis pour repousser encore un peu plus le moment fatidique des grands choix. C'est l'occasion de faire le point sur sa drôle de vie, accompagnée par de vieux et nouveaux amis qui lui veulent un peu trop de bien.

En véritable métronome et cousin coréen caché de Woody Allen, Hong Sang-Soo nous revient chaque année avec une petite fable philosophique sans autre ambition apparente que le plaisir de filmer et de raconter quelques histoires, qui ont souvent tendance à se ressembler comme deux gouttes d'eau.

Chez Hong Sang-Soo, on trouve ainsi toujours des étudiants et des profs de fac un peu paumés, les plus perdus n'étant pas toujours ceux que l'on croit, qui ont l'étonnante capacité de passer l'essentiel de leur temps à picoler en se questionnant sans cesse sur le sens de leurs vies qui en semblent pourtant dépourvues, de sens. Entre amourettes ratées et études à rallonge, Hong Sang-Soo aime à nous perdre dans des récits un peu embrouillés ou flashbacks et rêveries changent constamment le centre de gravité de ses films, qui semblent au final souvent en être eux aussi dépourvus, ce qui n'est bien sûr qu'une illusion d'optique. Entre répétitions et éternels retours, son cinéma est une étrange apologie de la patience où tout finit par faire sens sans grands artifices ou effets dramatiques. Une certaine idée du minimalisme en quelque sorte.

Sans revenir sur la filmographie complète de Hong Sang-Soo, il n'est à première vue pas compliquer de placer ce Sunhi dans le sillage de son précédent film, Haewon et le hommes, sorti l'année dernière. Au-delà du fait que ces deux films ont été filmés coup sur coup en 2013, les similitudes sont ici assez évidentes pour que l'on comprenne que le réalisateur coréen a certainement conçu ces deux films comme un enchaînement naturel entre deux histoires qui se complètent. Dans ce film qui aurait complètement pu s'intituler Sunhi et les hommes, il est ainsi question comme l'année dernière d'une jeune fille indécise cherchant sa place et papillonnant au passage entre les hommes, tout cela dans tous les canons habituels déjà cités.

Il serait pourtant dommage de s'arrêter à ce parallèle évident mais pas complètement suffisant car, de manière intéressante, Sunhi est un film plus direct que Haewon et les hommes, prouvant par là que Hong Sang-Soo ne fait pas que radoter et sait aussi avancer d'un film à l'autre. Plus direct dans sa forme déjà car à la différence de ses précédents films, Hong Sang-Soo s'en tient ici à un récit complètement linéaire, débarrassé de tous les détours qu'il aime habituellement nous offrir en chemin. Ce faisant, il perd sans doute en valeur artistique ce qu'il gagne en clarté de discours, le message qu'il cherche ici à faire passer apparaissant aussi limpide que possible, parfaitement résumé dans la réplique finale : "les gens font ce qu'ils veulent, et les autres n'y peuvent rien".

Un message également bien servi par la surprenante structure d'un film où le personnage principal semble au final moins être son héroïne que l'image qu'elle inspire à ses trois soupirants, prisonniers d'une énigme irrésoluble. On regrettera d'ailleurs au passage la faute de traduction du distributeur français du film, la traduction littérale apparaissant au début du film (Notre Sunhi) étant de ce point de vue bien plus fidèle au sens du film. 

Faux jumeau de Haewon et les hommes, Sunhi se démarque aussi par une étonnante fin en forme de vaudeville d'une jolie légèreté, qui clôture très efficacement le film sur les quelques notes d'un thème musical lui aussi très plaisant (cf. bande-annonce), qui ponctuait déjà les précédents tournants du film. Comme souvent chez Hong Sang-Soo, ce Sunhi se révèle alors plus fin et subtil qu'il n'y paraissait d'abord, une qualité bien rare dans un cinéma contemporain qui préfère généralement s'épuiser dès les premières minutes pour s'essouffler ensuite. Un cinéma qui n'a sûrement d'ailleurs jamais autant ressemblé à celui d'Eric Rohmer, une de ses influences déclarées, dont on retrouve ici la joyeuse capacité à faire un film à partir de quelques scénettes filmées comme si de rien n'était et la toute-puissance des dialogues et des faces-à-faces.

Plus important que tout cela enfin, Hong Sang-Soo paraît toujours autant s'amuser derrière la caméra et ça se voit : c'est parfois aussi simple que ça le cinéma.

Note : 8 (Barème notation)

La bande-annonce


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire