dimanche 20 juillet 2014

L'homme qu'on aimait trop

Drame d'André Téchiné
France - 1h56
Avec Guillaume Canet, Adèle Haenel, Catherine Deneuve

On sous-estime les drames familiaux causés par les conflits internes à l'UMP ... Certains traumatismes resteront ouverts.

Présentation : 5 ans après La fille du RER, André Téchiné adapte encore une histoire vraie avec la fameuse affaire du meurtre d'Agnès Le Roux, encore en plein centre de l'actualité il y a quelques mois. L'affaire : Maurice Agnelet (Guillaume Canet), jeune et brillant avocat, rencontre Agnès Le Roux (Adèle Haenel), jeune héritière d'une très riche famille niçoise. Une histoire s'installe entre eux, sous l'oeil méfiant et réprobateur de Renée Le Roux (Catherine Deneuve), la mère d'Agnès. 

C'est donc la deuxième fois en cinq ans qu'André Téchiné propose un film inspiré d'une histoire vraie. S'il est à noter que ces deux films sont tous deux des adaptions libres revendiquant leur statut de fiction inspirée de la réalité (mouais ... un peu facile), la coïncidence est tout de même curieuse. Deux premières explications :
  • Un fait-divers, c'est encore le meilleur moyen de faire la promotion d'un film, surtout quand la sortie arrive à peine deux mois après la fin du dernier procès de Maurice Agnelet qui a été largement couvert dans les médias. Pas inutile quand l'on s'appelle André Téchiné et que l'on n'intéresse plus grand monde en dehors des critiques spécialisés et des plus de 50 ans.
  • La filmographie d'André Téchiné a finalement toujours flirté avec le roman policier, bon nombre de ses films étant montés comme de véritables polars psychologiques qui interrogent constamment le statut de la vérité et savent subtilement jouer avec toutes les facettes de l'ambiguïté. Cette rencontre de Téchiné et de Faites entrer l'accusé est dans cette optique presque naturelle, les affaires criminelles représentant un matériau parfait pour son cinéma d'investigation.
Si l'on reste sur la piste du polar, L'homme qu'on aimait trop partage d'ailleurs avec la filmographie de Téchiné une autre caractéristique bien particulière : celle de poser systématiquement plus de questions qu'il n'apporte de réponses. Aller voir un Téchiné est en effet toujours une expérience à part : difficile de complètement réaliser ce que l'on vient de voir en sortant, voire même de vraiment savoir si l'on a assisté à quelque chose d'intéressant ou pas.

L'intérêt du cinéma de Téchiné, qui commence à faire son âge il faut bien le dire, est peut-être finalement là-dedans, dans une étonnante capacité à se remettre en question en permanence et à cultiver l'ambiguïté jusqu'au flou artistique. Au lieu d'une critique, voici donc plusieurs pistes à creuser qui me sont venues à l'esprit :
  • La façon si particulière qu'a Téchiné de diriger ses acteurs, marionnettes semblant contraintes de s'exécuter à la virgule près sans aucune part à l'improvisation, est pour une fois assez cohérente avec le cadre très bourgeois de l'intrigue, mais frôle parfois aussi encore plus avec la caricature. Le cinéma de Téchiné n'est décidément pas un grand espace de liberté pour les acteurs.
  • Au rayon des prestations, difficile de ne pas saluer celle d'Adèle Haenel qui semble justement la plus à même de sortir un peu du cadre étroit lui étant imposé. Énorme intensité de jeu pour accompagner la descente aux enfers de son personnage. Ses scènes de pleurs hystériques rappellent une autre Adèle d'ailleurs.
  • Si Catherine Deneuve fait son job, pas grand chose à dire de ce côté là, le choix de Guillaume Canet au casting était vraiment osé et n'est qu'à moitié convaincant, la capacité qu'a eu Téchiné par le passé à sublimer certains acteurs que l'on n'attendait pas là (Michel Blanc, Roshdy Zem, Nicolas Duvauchelle, ...) n'étant pas vraiment au rendez-vous. Si l'on sent certes un réel effort de Guillaume Canet pour rentrer dans son personnage (il a notamment rencontré Maurice Agnelet), il ne parvient pas complètement à casser l'armure de gendre idéal qui lui colle à la peau.
  • Le portrait pas totalement réussi de Maurice Agnelet force d'ailleurs à s'interroger sur l'identité même du héros du film : Est-ce Agnelet ou plutôt Agnès Le Roux comme le suggère la dernière séquence ? Ou même sa mère compte-tenu du fait que le film est librement adapté du libre qu'elle a elle-même coécrit ? Sans vraie réponse à cette interrogation, on ne sait parfois plus trop dans quoi l'on est.
  • Tout cela étant dit, la qualité de mise en scène de Téchiné compte toujours parmi ce qui se fait de mieux dans le cinéma d'aujourd'hui. Peu de réalisateurs maîtrisent aussi parfaitement chaque mouvement de caméra.
  • Autre vraie qualité du film : la volonté de ne pas tricher avec le temps qui passe et de vieillir véritablement Guillaume Canet et Catherine Deneuve pour les dernières scènes du film qui se déroulent 30 ans après, autrement que par quelques cheveux blancs et deux/trois rides. L'effet est assez saisissant et donne d'autant plus de force à la conclusion du film.
  • Dans un film assez lourd, à noter une scène d'une étonnante légèreté où Catherine Deneuve entonne dans la voiture la version italienne de Stand By Me. Un procédé en apparence un peu grossier mais qui peut donner de vrais bons moments de cinéma, comme dans le dernier film de Valeria Bruni Tedeschi avec Rita Pavone ou celui des Frères Dardenne avec Petula Clark.
  • Enfin, il faut quand même saluer la volonté qu'a eu Téchiné de s'en tenir à une fin qui ne privilégie pas complètement une hypothèse ou l'autre, même si les derniers développements judiciaires orientent quand même le spectateur dans un certain sens, mais c'est là plus un problème de coïncidences de dates ... Un choix d'autant plus courageux artistiquement parlant qu'il a forcément du rencontrer Renée Le Roux à une étape ou l'autre de son projet, qui a elle évidemment une idée bien arrêtée sur le sujet. 
  • Ah et la bande-son est signée Benjamin Biolay. Je ne sais pas vraiment comment analyser cette information, je vous laisse vous démerder ...
Voilà je vais m'arrêter là sinon je vais vous raconter tout le film ...

Un film à recommander donc aux inconditionnels de Téchiné et/ou de Faites entrer l'accusé, et à ceux qui aiment le cinéma tout court même quand tout n'est pas parfait.

Note : 7,5 (Barème notation)

La bande-annonce


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