En guise de récréation entre deux opus d’Avengers, Josh Whedon s’offre le luxe d’un pari un peu fou, celui d’adapter
une des plus fameuses pièces de William Shakespeare en se donnant le défi d’être
à la fois moderne et fidèle au texte originel. Tout à son bonheur de pouvoir
jouer avec un tel matériau, il s’amuse comme un petit fou et prouve qu’un
cinéaste libre et heureux est le meilleur antidote qui soit à l’ennui.
Promis Amy tu peux sortir il n'y a pas de vampires cette fois |
Je n’ai ni vu ni lu Beaucoup de bruit pour rien, la pièce de
théâtre ayant donc inspiré Joss Whedon. Tant mieux. Cela m’a permis de profiter
complètement du film et cela vous épargnera surtout un long et fastidieux
décompte de ce qui va ou ne va pas dans l’adaptation de l’œuvre de Shakespeare.
Je vais donc faire preuve d’une naïveté touchante dans la suite de cette
chronique.
A première vue, Beaucoup de bruit pour rien est un pari
assez osé. Farouchement moderne d’un côté (les scènes sont tournées de nos
jours dans la banlieue cossue de Los Angeles, sans aucun costume d’époque), farouchement
vintage de l’autre (Joss Whedon n’a pas touché au texte : ses personnages
se nomment donc Claudio ou Hero et se comportent comme s’ils étaient au 16ème
siècle), le film de Joss Whedon déstabilise d’abord forcément un peu. Il faut
bien 10 bonnes minutes pour s’y retrouver dans cet étrange mélange de genre
volontairement anachronique, et au moins autant pour digérer le niveau de
langage importé du temps de Shakespeare.
Passé cet écueil, Beaucoup de bruit pour rien est pourtant
tout sauf un exercice de style pompeux uniquement destiné à quelques happy few.
En dehors du noir et blanc, permettant intelligemment de s’extraire du présent
pour se situer dans un espace hors du temps, rien dans le long métrage de Joss
Whedon n’est là pour exclure ou pavoiser. Il y au contraire une rafraichissante
simplicité dans le projet de ce dernier, qui a décidé d’un coup de tête de
tourner cette adaptation dans sa propre maison avec ses acteurs fétiches, son
inconditionnel amour de Shakespeare l’ayant obligé à passer à l’acte.
En sacrifiant à ce qui pourrait
apparaitre comme un caprice d’esthète, Joss Whedon rend là au contraire le plus
bel hommage qui soit au cinéma et plus généralement à la fiction, un hommage au
texte, et rien que le texte.
Toute place est en effet laissée
au texte de William Shakespeare tout au long d’un film qui ne cherche jamais à
faire autre chose que le mettre en valeur, la réalisation de Joss Whedon et les
performances d’acteurs sachant se mettre au service du texte et non s’en
servir. Cette humilité fait de Beaucoup
de bruit pour rien un film aussi intelligent que touchant, démontrant
magnifiquement que la modernité n’est qu’un mot et qu’un texte vieux de 500 ans
peut être actuel si l’on sait l’habiter avec audace. Et de l’audace, Beaucoup pour rien n’en manque pas. Elégamment
rythmé, subtil et léger à la fois, le film de Joss Whedon a en effet l’immense
mérite de transmettre au spectateur le plaisir pris par les acteurs et le
réalisateur, et d’être donc aussi jouissif pour ce premier que ces derniers. Il
y a là-dedans quelque chose de l’ordre de l’artisanat, d’un vrai plaisir de
mordu de cinéma, comme si Joss Whedon revenait 30 ans en arrière et présentait son
premier court-métrage filmé avec une mini-caméra d’occasion. Une caméra,
quelques potes pour donner la réplique, et le tour est joué.
Alors bien sûr il est plus facile
de s’offrir ce petit plaisir quand l’on s’appelle Joss Whedon, que l’on a un
manoir de 500 mètres carrés disponible pour servir de plateau de tournage impromptu
et que l’on a plein de potes acteurs prêts à venir s’amuser avec soi. Certes.
Il n’en est pas moins réellement rafraichissant
de constater qu’un réalisateur aussi côté que Joss Whedon aime encore assez le
cinéma pour s’offrir ce genre d’incartades, qui ne lui rapportera probablement
pas grand-chose à côté de ses autres contrats hollywoodiens bien plus
ronflants. Quelque chose bat donc toujours dans le cœur d’Hollywood.
Note : 8,5 (Barème de notation)
Pour vous faire votre avis par vous-même : la bande annonce
A suivre : Jacky au royaume des filles
La version US de The Artist. Ces salauds ont liquidé le chien, il était pas assez bankable apparemment. |
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