Un an et demi après sa sortie en Norvège et près d’un an après sa
sortie à Cannes en 2013, le germano-norvégien D’une vie à l’autre (Zwei
Leben en allemand dans le titre) sort enfin sur les écrans français, auréolé du titre officieux de
successeur du déjà culte La vie des autres. Basé comme d’habitude sur une histoire vraie (oui, le cinéma
allemand a de quoi faire pour quelques années encore avec les Nazis et la Stasi
…), cette fresque historique a tout d’un genre très prisé depuis quelques
années : le devoir de mémoire allemand.
S’il y a bien un cinéma qui est
aujourd’hui prisonnier du devoir de mémoire, ou en tout cas largement lié à l’Histoire
de son pays, c’est bien le cinéma allemand. Presque 25 ans après la chute du
Mur de Berlin, le besoin de mémoire des Allemands sur les années RFA/RDA ne
semble toujours pas s’être tari, pas plus que la mémoire des années Nazies qui
continuent elles aussi d’être un peu plus réécrites chaque jour, parfois d’ailleurs
à la lumière d’éléments justement enfouis dans une RDA qui a longtemps préféré
garder jalousement sa propre mémoire.
Face à ce besoin absolument vital
pour son pays, le cinéma allemand s’est donc depuis deux décennies largement
mis au service de cette cause. Le fait qu’une grande partie de ses plus récents
succès internationaux ait à voir de près ou de loin avec ces mémoires n’est
donc pas vraiment une surprise, même s’il faut bien dire aussi que le film nazi
s’exporte mieux que les films allemands faisant l’effort de parler d’autre
chose et ne rentrant donc pas dans ce cadre certes important, mais étroit. A
part le récent Oh Boy l’année
dernière, pas beaucoup d’œuvres allemandes ne gagnent en effet le droit de
parcourir le monde sans une référence à l’Holocauste ou à la police politique. Pas
toujours si facile que ça d’être allemand.
Pour satisfaire ce devoir de
mémoire, le cinéma allemand fut d’abord relativement démuni, l’horreur est
toujours indicible, mais a depuis eu le temps de perfectionner un genre maintenant
parfaitement rodé, poli et maîtrisé sur le bout des doigts : le drame
historico-psychologique. La recette est maintenant presque toujours la même :
une histoire qui fait froid dans le dos, de constants jeux d’ombres et lumière,
des couleurs froides pour bien foutre le cafard, de fréquents flash-backs à l’image
toute jaunie, une atmosphère musicale subtilement posée et puis, c’est utile
aussi, d’excellents acteurs. De ce cadre le film allemand de mémoire ne s’écarte
jamais vraiment, tout comme il ne commet jamais vraiment de faute de goût, l’objectif
étant trop important pour se perdre en route. On pourra il est vrai juger très
conventionnelle toute cette esthétique, par définition aussi superficielle qu’une
autre, mais il y a aussi probablement du vrai dans ce désir de s’effacer devant
son sujet : devant l’immensité de l’Histoire le cinéma n’est ici sans
doute qu’un moyen, pas une fin artistique en soi, et il faut savoir aller droit
au but.
(Je tiens à vous rassurer, je
vais finir par parler du film)
On ne peut donc juger un film
comme D’une vie à l’autre que dans ce
contexte, restreignant forcément beaucoup toute liberté de mise en scène, de
scénario ou d’interprétation. Tout ceci pris en considération, le long-métrage de
Georg Maas est sans conteste une des plus brillantes réussites du genre et
mérite tout à fait la plus grande attention du spectateur, qu’il soit ou non
allemand et historien. Jouant parfaitement des codes déjà cités, D’une vie à l’autre fonctionne en effet
comme un thriller implacable, d’autant plus efficace que la totalité de l’histoire
n’est là pas forcément connue de tous.
Relativement impeccable d’un bout
à l’autre (la rigueur allemande c’est quand même quelque chose), il refuse
jusqu’à la fin les grandes effusions et les longues digressions pour laisser le
spectateur presque seul face à la violence des implications de ce qu’il voit.
Très intériorisé, extrêmement contenu, D’une
vie à l’autre serait même presque trop laconique au vu de la violence
symbolique qu’il agite, si tant est qu’on puisse être trop pudique.
C’est de toute façon ouvrir le
débat de la légitimité même de ces films, qui ne peuvent que trahir en partie
la mémoire qu’ils veulent honorer, subjectivité artistique oblige. C’est un
débat que je n’ouvrirais donc pas et je préfère conclure sur la simple et
banale pensée que D’une vie à l’autre
est un film de très bonne qualité, qui devrait plaire à beaucoup d’entre vous.
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Note : 8 (Barème notation)
Pour vous faire un avis par
vous-même : la bande annonce
A suivre : Libre et assoupi
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