Si mes précédentes réponses m’apparaissaient
indispensables pour vous enseigner quelques fondamentaux de la vie en salle, j’admets
avoir pour l’instant omis certains aspects moins éclatants mais tout aussi
importants pour votre survie dans ce milieu hostile. Je vais maintenant m’y
atteler en en traitant l’une après l’autre toutes vos questions les plus
concrètes.
Comment être sûr d'être à la hauteur pour s'installer en plein milieu d'une rangée ?
Comme toutes
les grandes interrogations existentielles, cette question n’a pas de réponse simple.
Si la place centrale est fréquemment considérée comme un signe extérieur de réussite sociale, ce pouvoir symbolique qu’elle vous offre entraîne également de graves
responsabilités et il est essentiel que vous vous connaissiez assez avant
de faire un choix lourd de conséquences. Ne connaissant bien évidemment pas la
totalité de vous assez intimement pour dresser votre profil psychologique, je
vous propose donc de répondre aux deux questions suivantes, qui vous donneront
une réponse claire sur la marche à suivre pour prendre cette décision délicate.
- Avez-vous peur
de l’engagement ? Si c’est le cas, réfléchissez-y à deux fois avant de
vous ruer sur ce siège qui vous apparaît de loin comme la juste récompense
à l’effort que vous avez produit pendant
15 minutes pour supporter les ignobles discussions de vos voisins de file. Êtes-vous
réellement capable de vous projeter 45 minutes dans le futur et de savoir si
vous voudrez toujours être assis dans ce fauteuil devant ce film pas très
glorieux que vous aviez tellement honte de vouloir voir que vous avez choisi la
bonne vieille séance de lundi soir à 22h30 ? Pouvez-vous vraiment écarter
l’hypothèse que la vérité profonde de l’existence vous apparaisse en pleine
séance et vous force à vous précipiter vers l’issue la plus proche pour
retrouver l’air libre et la merveilleuse suite de votre vie ? Êtes-vous
véritablement sûr qu’une minable envie pressante ne va pas commencer à vous comprimer
la vessie dans 20 minutes ? Et d’ailleurs vous souvenez-vous vraiment de la
dernière fois où vous vous êtes rendu aux sanitaires ? Maintenant que vous
y pensez, est-ce que vous ne venez pas de vous enfilez deux sodas dans la
dernière demi-heure ?
Si vous avez correctement
répondu à toutes ces questions, félicitations, vous méritez votre place au
soleil et vous pouvez vous installer à cette place hautement symbolique
marquant clairement votre supériorité sur tous les idiots vous entourant. Si
vous avez triché, tant pis pour vous, la suite des événements n’en sera que
plus sordide pour vous.
Si vous avez failli
au moins une fois, vous n’êtes donc malheureusement qu’une parodie d’être
humain. C’est certes assez répandu mais cela n’excuse rien, il n’y a donc pas
de quoi être fier. Je ne pourrais que vous suggérer de vous prendre en main
mais j’ai peur de ne pas avoir le temps de trouver les mots justes, je préfère
donc me concentrer sur l’essentiel. Malgré votre pitoyable immaturité qui ne
vous mènera sûrement pas loin dans la vie, il vous reste pourtant une chance de
salut. Je ne saurais que trop vous conseiller de la saisir, mais je ne suis pas
sûr de pouvoir vous faire confiance.
- En plus d’être
un(e) adolescent(e) attardé(e), êtes-vous un(e) lâche ? Aussi abrupte que puisse
paraître cette question, elle est essentielle pour vous permettre de finalement
découvrir si vous méritez de vous installer confortablement sur ce superbe
fauteuil où aucun imbécile de quelque sorte que ce soit ne pourra vous obliger
à vous lever 6 fois pour pouvoir tranquillement se balader dans le cinéma comme
s’il était dans son salon. Car votre instabilité chronique, en plus d’avoir
probablement déjà ruiné votre relation avec le sexe opposé, aura une
conséquence immédiate peut-être moins grave mais bien réelle : il va bien
falloir passer outre ces 5 à 15 inconnus ne vous inspirant que peur et/ou
mépris et qui se situent par malchance exactement entre vous et ce couloir vous
menant au paradis, ou au moins vers cette illusion qui vous permettra un temps
de fuir des responsabilités qui finiront irrémédiablement par vous retomber
dessus un jour. Car vous pouvez fuir toutes les réalités que vous voulez,
celle-ci ne disparaîtra pas au bout d’une rasade de whisky : il vous faut
maintenant vous lever la tête haute, gâcher la séance de toute la rangée de
derrière tout en piétinant successivement 10 personnes qui passeront sans aucun
doute les 5 prochaines minutes à imaginer avoir eu le courage de vous insulter
comme du poisson pourri ou carrément vous éclater vicieusement le tibia dans l’obscurité.
Et oui, tout se paie.
Si à l’issue
de cette seconde partie, vous faites encore et toujours partie de la mauvaise
moitié de l’humanité, je n’oserais cette fois pas vous accabler car vous êtes
en réalité le ou la plus à plaindre : vous ne valez rien, ou à peu près. Un
peu embarrassé d’être celui par qui cette gênante nouvelle arrive enfin à votre
cerveau l’ayant quand même bien cherché, je ne peux que vous inciter à pour une
fois accepter que la réalité ne se plie pas à vos fantasmes. Installez donc
vous là où vous avez votre place et où vous ne pourrez pourrir la vie de
personne : à droite ou gauche toute. A défaut de valoir le prix que vous
avez payé pour accéder à la salle, cette place aura au moins le mérite de
vous apprendre l’humilité puisqu’un grand nombre d’incorrigibles indécis dans
votre genre prendront un malin plaisir à vous faire relever toutes les 10
minutes. Observez-les alors au moment précis où leur visage frôle le vôtre, vos
regards pouvant presque se croiser dans l’obscurité : eux ont au moins un
semblant de courage.
Que cette
mésaventure puisse au moins vous servir de leçon, si tant est que vous ayez un
fond de maturité vous permettant d’apprendre quoi que ce soit, ce qui me paraît
hélas loin d’être évident.
Bonne séance
tout de même.
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