lundi 18 novembre 2013

Doutes (Chronique du sentiment politique) : l'insoutenable vacuité de l'être bourgeois



L’ennui avec les élites ça n’est finalement pas tant qu’elles soient privilégiées, ou même qu’elles aient des hobbies de privilégiés, mais c’est peut-être simplement qu’elles aient les moyens de leurs ambitions, même les plus ridicules. Avec Doutes, elles nous gratifient en tout cas d’un bel outil de propagande idéologique à destination des masses, qui pourrait presque être intellectuellement dangereux s’il ne s’adressait pas qu’aux faubourgs de quelques arrondissements parisiens. C’est en tout cas la preuve que l’on peut encore financer tout et n’importe quoi en France, l’argent est là.
Doutes est un beau document d’histoire. Dans 200 ans, les sociologues et historiens pourront en effet parfaitement évaluer le niveau de nombrilisme névrotique d’une partie de la bourgeoisie parisienne. Tout entier tourné vers le mal-être existentiel de brillants intellectuels ne savant plus au juste qui ils sont tant tous leurs repères politiques s’effondrent autour d’eux, Doutes réussit l’exploit de parler de politique pendant près d’une heure et demie sans jamais évoquer le moindre sujet politique. Ce serait vulgaire vous en conviendrez. 

Investis de la terrible mission de savoir si les coucheries de DSK constituent oui ou non une faute morale, nos quatre valeureux amis s’interrogent ainsi tout au long du film si les représentants du peuple sont dignes de leurs grandes convictions, sans que l’on sache bien ce qu’elles sont. Tout cela se matérialisant dans un confus magma politique et intellectuel, le débat à gauche se réduisant d’ailleurs ici à un casting sommaire et bâclé entre quelques éléphants du PS, parti étant comme chacun le sait le seul dépositaire légitime des fameuses attentes du peuple de gauche.

Un questionnement intérieur qui trouvera finalement sa réponse dans une belle supercherie finale, Christophe Barbier et sa chère moitié découvrant avec soulagement qu’il leur suffit de partir en vacances pour oublier tout ça. Parce que au final, gauche et droite ça ne veut pas dire grand-chose vous comprenez, surtout quand l’on est capable d’admirer les splendeurs de Venise …

Dit comme ça, Doutes pourrait donc simplement apparaître comme un tract idéologique un poil nauséabond à l’usage d’une poignée de privilégiés ayant besoin de sujets de conversations pour leur prochaine séance de psychanalyse. Mais ce serait très réducteur car  nos quatre amis bien bavards nous font tout de même passer un bon moment en nous offrant une comédie très enlevée.
Doutes étant en effet trop grotesque pour courir le risque d’être vraiment pris au sérieux, difficile donc de ne pas prendre le parti d’en rire.

Tout est en effet ici raté du début à la fin, à un tel point que l’hypothèse de la caméra cachée reste pendant toute la séance une éventualité que l’on n’arrive pas à complètement mettre de côté. Alliant à merveille pédanterie et prétention dans une suite inouïe de dialogues délicieusement pompeux, Doutes a le mérite d’être surjoué dès les premières secondes à l’écran, permettant au spectateur de vite comprendre les potentialités comiques s’offrant à lui. Particulièrement atroce dans son personnage de sondeur philosophe, Christophe Barbier est d’ailleurs hilarant à son corps défendant, son étonnant besoin de se mettre en scène trouvant ici un véhicule totalement à sa mesure.

On regrettera il est vrai peut-être que Benjamin Biolay, interprétant ici un dangereux gauchiste idéaliste soutenant DSK jusqu'au bout, sacrifie ici une partie de sa carrière pour une œuvre aussi profondément idiote, notamment dans des monologues dont on a du mal à croire qu’ils aient vraiment pu être écrits par la plume d’un individu pleinement conscient de ce qu’il faisait. Mais c’est après tout sa vie et il faut savoir pardonner en bon chrétien, passons donc là-dessus.

Rester figés trop longtemps sur ce regret nous empêcherait de plus de profiter pleinement d’une fin tellement ridicule qu’elle en devient sublime, signe que la magie du cinéma est d’une puissance quasi mystique. Il en va au final du bon cinéma comme du plus mauvais : l’important est de savoir en profiter.

Note : 0 (« Hors sujet » aurait été plus juste mais je n’allais quand même pas changer tout mon complexe système d’évaluation pour cette sombre farce)

PS : j’apprends à l’instant que la réalisatrice de cet admirable navet est une ancienne conseillère en communication du PS. Avec de tels esprits, pas étonnant effectivement que le parti de notre cher Président domine aussi brillamment la vie politique nationale. 

Pour vous faire un avis par vous-même : la bande annonce
 
A suivre : vous en saurez plus mercredi, je ne préfère pas me prononcer pour l’instant.

Pendant ce temps,  Christophe Barbier décide de se lancer lui aussi dans la politique, galvanisé par le triomphe commercial et critique du film


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire