Étant facilement impressionnable, j’avais fini par me laisser
convaincre que Les Garçons et Guillaume,
à table ! serait sans
conteste une des bonnes surprises de cet hiver pourri, ou au moins de cette
semaine l’étant tout autant. Il faut voir en effet l’impressionnante collection
de superlatifs placardée dans les transports en commun parisien, et pour une
fois pas seulement sorti d’obscures feuilles de choux interactives dont
personne n’a jamais entendu parler et qui ne sont sans doute mises en services
que pour servir d’alibis critiques à de tristes longs métrages en danger de
bide absolu. Faute de bonne surprise, j’ai donc au moins appris que Guillaume
Gallienne a beaucoup d’amis qui lui veulent du bien, ce qui n’a rien d’inutile
dans ce métier.
Étrange et inégal déballage
nombriliste, on pourrait logiquement être tenté de dire que Les Garçons et Guillaume, à table !
pêche par un principe simple, celui de vouloir dévoyer l’objet
cinématographique pour les besoins d’une très longue séance de psy où le moi
éclipse tout le reste. Ce serait tentant mais en réalité injuste, pour la bonne
et simple raison qu’une bonne partie des films sortis en salle ne sont au fond
que des autobiographies plus ou moins subtilement et élégamment maquillées et
que même les moins transparentes d’entre elles peuvent parfois être de vrais
moments de cinéma, comme en atteste le récent Un Château en Italie.
La sincérité du propos de
Guillaume Gallienne, à qui on ne peut d’ailleurs reprocher de ne pas se livrer
tout entier, est d’ailleurs évidente et par moments indéniablement touchante. Mais
la sincérité ne fait pas tout : une fois le rideau levé sur le clap de
début, il faut encore faire un film.
Adaptation de la pièce de théâtre
déjà écrite et interprétée par Guillaume Gallienne, Les Garçons et Guillaume, à table ! n’en est malheureusement
pas vraiment un. Se condamnant dès l’ouverture
à n’être qu’un film à sketches et fleurant parfois la comédie de boulevard, il
n’est certes pas dénué de trouvailles amusantes mais manque cruellement d’une structure
dramatique qui lui permettrait de s’éloigner un peu de son cadre d’origine en
se donnant un peu d’air. Un travers aussi gênant qu’étonnant puisque Guillaume
Gallienne semble avec son histoire personnelle avoir tous les ingrédients pour porter
cette ambition mais ne semble jamais en mesure de lier toutes ces scénettes dans
un grand tout, autrement que par une voix off d’un autre âge, plus adaptée au
genre théâtral qu’au cinéma.
Une faute de goût qui n’est
cependant rien à côté de l’attentat fait au septième art que constituent d’aussi
fréquentes qu’insupportables intermèdes théâtraux mettant en scène Guillaume
Gallienne en plein monologue dans l’obscurité devant un lit blanc lumineux
comme un parterre de cierges dans une église.
Une esthétique d’une ringardise à peine croyable qui ne serait pas si grave
que cela si elle ne cassait au passage complètement le rythme du film.
Tragiquement empêché de décoller par ces interruptions intervenant toujours aux
moments clés pour casser toute velléité dramatique, son film ne choisit par là
même jamais entre sa veine comique et tragique, une hésitation apparemment douloureuse
au vu d’une fin tellement rapide qu’elle paraît avoir été bâclée pour en finir,
et qui achève donc à la hache un récit qui ne s’était même pas encore installé.
Un mélange des genres d’autant
plus frustrant que la double interprétation de Guillaume Gallienne est
effectivement bluffante, parvenant à ne jamais vraiment faire sombrer dans la
farce le choix de jouer sa propre mère, qui apparaissait pourtant sur le papier
comme un inquiétant hommage à Ma femme s’appelle
Maurice. Un pouvoir quasi magique presqu’aussi puissant que celui avec
lequel il fait disparaître tout le reste de son casting, condamné dès le début
du film à un simple rôle de figurant. Difficile cela dit de crier à la
publicité mensongère de ce côté-là, on était prévenus.
Pénétré d’un profond besoin de
témoignage, Les Garçons et Guillaume, à
table ! a finalement le rythme propre à une séance de psychanalyse,
entassant les souvenirs douloureux ou cocasses comme tant d’anecdotes détachées
les unes des autres et se révélant au fond lui aussi très anecdotique.
Oui, après Violette, cette
chronique fait encore preuve d’une insensibilité pathologique aux souffrances de
l’humanité. Je ferais peut-être un film pour raconter tout ça moi aussi, mais
je pense plutôt à Nathalie Baye pour jouer ma mère.
Note : 6,5 (Barème notation)
A suivre : La maison à la tourelle (présentation)
Pour vous faire un avis par
vous-même : la bande annonce
Pendant ce temps-là, Nathalie
Baye est très emballée par mon futur projet.
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