lundi 16 décembre 2013

A Touch of Sin : la grande dépression



Fresque noire implacable sur la corruption des mœurs, A Touch of Sin est aussi froid et répétitif que la souffrance qu’il met en scène, une cohérence entre le fond et la forme certes appréciable mais qui donne parfois au film de Jia Zhang Ke des airs de longue, très longue agonie.
Un renfort de poids pour les bonnets rouges. Si avec ça, Ayrault ne lâche pas quelques billets ...

A Touch of Sin est sans conteste un grand film sur la Chine d’aujourd’hui, forcément indispensable au vu de la difficulté pour les cinéastes chinois à produire des œuvres amenant à réfléchir sur leur propre pays. Tableau intransigeant de la corruption généralisée des hommes et de la décadence morale d’un système uniquement occupé du bien-être des forts, il va d’ailleurs au-delà de la simple sociologie de base et a évidemment une portée universaliste qui n’échappera à aucun spectateur, la somme des humiliations défilant à l’écran étant tragiquement ordinaire.

Est-il pour autant un si grand film que cela, c’est une autre question. De par sa forme, succession plus ou moins articulée d’histoires personnelles, A Touch of Sin impose au spectateur une logique de répétition certes assez terrifiante mais qui finit presque par lasser. Long et lent, A Touch of Sin ne se renouvelle finalement  pas tellement d’une histoire à une autre et passe au final deux heures et demie à appuyer sur les mêmes boutons, pas inintéressants mais paraissant un peu vains au bout d’un moment. Prix du scénario au dernier festival de Cannes, le film de Jia Zhang Ke est ainsi étonnamment un film où il ne se passe plus grand-chose une fois que l’on a compris le principe central de l’homme révolté face à l’injustice.

Difficile enfin de dire si la volonté de Jia Zhang Ke de filmer la violence au plus près, accumulant rivières de sang et passages à tabac, apporte vraiment quelque chose d’essentiel à son film, qui prend parfois des airs de Kill Bill, sans l’humour, et donne presque envie de sourire, ce qui n’est sans doute pas le but encouru. Sorte de penchant chinois moins rock'n'roll du récent God Bless America, A Touch of Sin a en effet du mal à cacher sa fascination assez banale pour la violence, certaines scènes de bagarre semblant même étrangement avoir été re-sonorisées pour en rajouter une couche. Pas certain que ces effets très western soient indispensables.

Passé cet écueil, il reste indéniable que Jia Zhang Ke sait insufler à A Touch of Sin le même sentiment d’immobilisme qui caractérise le piège dans lequel ses personnages sont prisonniers, errant continuellement sans espoir à l’intérieur d’une immense prison. Désespérément statique, comme en atteste sa fin en forme de boucle bouclée, son film gagne finalement en cohérence de discours ce qu’il perd en profondeur de récit, ne parvenant jamais vraiment à s’échapper de son très pesant carcan formel. 

Il n’est par ailleurs pas évident que 133 minutes étaient nécessaires pour mener ce projet à bien, A touch of sin n’étant pas dénué de certaines longueurs. La faute à des récits à l’intérêt assez inégal, l’intensité dramatique à l’écran semblant parfois s’évaporer au profit d’une pure et un peu vaine contemplation. Un danger difficilement évitable pour une œuvre à l’ambition artistique et philosophique aussi marquée, qui à force de vouloir seulement suggérer perd parfois en route son propre sens. L’art est à ce prix.

Note : 7 (Barème notation)

Pour vous faire un avis par vous-même : la bande-annonce


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