Fresque noire implacable sur la corruption des mœurs, A Touch of Sin est aussi froid et
répétitif que la souffrance qu’il met en scène, une cohérence entre le fond et
la forme certes appréciable mais qui donne parfois au film de Jia Zhang Ke des
airs de longue, très longue agonie.
Un renfort de poids pour les bonnets rouges. Si avec ça, Ayrault ne lâche pas quelques billets ... |
A Touch of Sin est sans conteste un grand film sur la Chine
d’aujourd’hui, forcément indispensable au vu de la difficulté pour les
cinéastes chinois à produire des œuvres amenant à réfléchir sur leur propre
pays. Tableau intransigeant de la corruption généralisée des hommes et de la
décadence morale d’un système uniquement occupé du bien-être des forts, il va
d’ailleurs au-delà de la simple sociologie de base et a évidemment une portée
universaliste qui n’échappera à aucun spectateur, la somme des humiliations
défilant à l’écran étant tragiquement ordinaire.
Est-il pour autant un si grand
film que cela, c’est une autre question. De par sa forme, succession plus ou
moins articulée d’histoires personnelles, A Touch of Sin impose au spectateur une logique de répétition certes assez
terrifiante mais qui finit presque par lasser. Long et lent, A Touch of Sin ne se renouvelle
finalement pas tellement d’une histoire
à une autre et passe au final deux heures et demie à appuyer sur les mêmes
boutons, pas inintéressants mais paraissant un peu vains au bout d’un moment.
Prix du scénario au dernier festival de Cannes, le film de Jia Zhang Ke est ainsi
étonnamment un film où il ne se passe plus grand-chose une fois que l’on a
compris le principe central de l’homme révolté face à l’injustice.
Difficile enfin de dire si la
volonté de Jia Zhang Ke de filmer la violence au plus près, accumulant rivières
de sang et passages à tabac, apporte vraiment quelque chose d’essentiel à son
film, qui prend parfois des airs de Kill
Bill, sans l’humour, et donne presque envie de sourire, ce qui n’est sans
doute pas le but encouru. Sorte de penchant chinois moins rock'n'roll du récent God Bless America, A Touch of Sin a en effet du mal à cacher sa fascination assez banale
pour la violence, certaines scènes de bagarre semblant même étrangement avoir
été re-sonorisées pour en rajouter une couche. Pas certain que ces effets très
western soient indispensables.
Passé cet écueil, il reste
indéniable que Jia Zhang Ke sait insufler à A Touch of Sin le même sentiment d’immobilisme qui caractérise le piège dans
lequel ses personnages sont prisonniers, errant continuellement sans espoir à
l’intérieur d’une immense prison. Désespérément statique, comme en atteste sa
fin en forme de boucle bouclée, son film gagne finalement en cohérence de
discours ce qu’il perd en profondeur de récit, ne parvenant jamais vraiment à s’échapper
de son très pesant carcan formel.
Il n’est par ailleurs pas évident
que 133 minutes étaient nécessaires pour mener ce projet à bien, A touch of sin n’étant pas dénué de
certaines longueurs. La faute à des récits à l’intérêt assez inégal,
l’intensité dramatique à l’écran semblant parfois s’évaporer au profit d’une
pure et un peu vaine contemplation. Un danger difficilement évitable pour une
œuvre à l’ambition artistique et philosophique aussi marquée, qui à force de
vouloir seulement suggérer perd parfois en route son propre sens. L’art est à
ce prix.
Note : 7 (Barème notation)
Pour vous faire un avis par vous-même : la bande-annonce
A suivre : All is lost
La pochette chinoise de la prochaine édition de Mario Kart |
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