lundi 9 décembre 2013

Rêves d'or : sur la route



Dans un premier long-métrage n’ayant aucun des défauts généralement attachés à cet exercice, le mexicain Diego Quemada-Diez récite une subtile partition entre réalisme et poésie en nous racontant l’histoire de jeunes latinos sur les routes de l’exil vers le rêve américain. D’une grande simplicité, son film n’en est pas moins étonnant de maîtrise.
Très beau placement produit du Directeur Marketing du LU : bien joué les gars


Le dicton « la valeur n’attend pas le nombre des années » m’a rarement paru aussi approprié que dans le cas présent. Galop d’essai, Rêves d’or pourrait pourtant servir de cas pratique pour une leçon de cinéma à destination de réalisateurs à l’esprit constipé, preuve que le talent est bien la chose au monde la plus inégalement partagée. 

Il y a dans Rêves d’or une force tranquille fascinante, celle d’un réalisateur connaissant la force de son récit et ne ressentant jamais le besoin de dévier de son chemin ou de tomber dans la digression pour faire du remplissage. Rêves d’or est l’histoire d’un voyage, rien que cela mais tout cela aussi. En faisant le choix de ne rien montrer en introduction du contexte social ayant poussé 3 adolescents guatémaltèques à prendre la route, histoire de toute façon tristement banale, Diego Quemada-Diez se donne tout entier au road-trip et s’offre tout l’espace et le temps pour laisser son film se dévoiler touches par touches.

C’est dans cette capacité à prendre son temps que Rêves d’or impressionne le plus, flirtant toujours avec la possibilité de l’ennui mais ressortant au final sublimé par ce courage de ne pas ajouter du texte juste pour ajouter du texte. Peu bavard, le film de Diego Quemada-Diez l’est aussi parce qu’il ne cherche pas à faire passer ces enfants pour autre chose que ce qu’ils sont, les dialogues gagnant en réalisme ce qu’ils perdent en lyrisme. Un parti-pris lui permettant d’éviter habilement le piège de l’idéalisme ou du misérabilisme, inhérents à un tel sujet.

Mais ce réalisme n’empêche pas Rêves d’or d’aussi émouvoir. Car Rêves d’or est bien une histoire tragique, qui n’hésite pas à abandonner certains sur le bord du chemin, une partie de sa force résidant dans le spectacle même de l’humiliation de ses héros. Sans appuyer sur la corde mélodramatique, le film de Diego Quemada-Diez sait en effet montrer ce qu’il faut d’une terrible réalité pour nous toucher sans avoir besoin de convoquer violons et larmes.

La beauté de Rêves d’or réside au contraire dans le subtil équilibre trouvé tout au long du film entre récit réaliste et poésie de la contemplation, à l’image d’une mise en scène parfaitement maîtrisée sachant autant filmer au plus près des corps que soigner ses plans larges. En distillant intelligemment ici et là notes musicales et invitations à la rêverie sans jamais vraiment interrompre le fil de son récit, Rêves d’or sait donner toute sa mesure à une histoire aussi tragique que poétique, dessinant admirablement toute la complexité de l’exil. D’une beauté lumineuse malgré la noirceur inhérente à son récit, c’est un hommage plein de pudeur aux victimes silencieuses de l’injustice des frontières.

Il y a pire pour un premier film.

Note : 8,5 (Barème notation)

Pour vous faire un avis par vous-même : la bande annonce

 
A suivre : Je fais le mort

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