Les lecteurs réguliers de cette page auront je pense compris que je me
méfie toujours des films qui ont l’ambition de traiter plusieurs histoires à la
fois et finissent souvent par n’en servir aucune. Évoluant à la frontière du
film historique et du drame familial, Les
Interdits me prouve pourtant que ce n’est pas toujours nécessairement le cas, et
j’en suis finalement ravi, car j’aime me tromper quand c’est pour la bonne
cause.
Non, le mec de droite n'est pas Eric Elmosnino mais on lui a déjà faite 100 fois, merci |
Co-réalisé par Anne Weil et
Philippe Kotlarski, dont c’est je crois la première collaboration sur un long
métrage, Les Interdits est peut-être
basé sur une histoire vraie, peut-être pas du tout ou peut-être un petit peu
seulement. Cela n’a je crois au fond aucune importance car l’important est bien
que l’on passe un vrai moment de cinéma ou pas, et c’est le cas.
Comme l’excellent No également sorti cette année, Anne
Weil et Philippe Kotlarski ont d’abord compris que rien ne valait une
photographie d’époque pour nous transporter dans leur univers et parviennent à recréer
une identité visuelle servant très bien leur ambition historique. Froide et
surannée, celle-ci colle bien à cette Odessa soviétique du tournant des années
70 et 80 où Soko et Jeremy Lippman viennent tenter d’apaiser l’humiliation
infligée aux Juifs ukrainiens ayant eu la mauvaise idée de demander un visa
pour rejoindre Israël.
La réussite de cette peinture d’époque
vient également de l’humilité d’un film acceptant son statut de petite histoire
dans l’Histoire et cherchant plus à poser des questions qu’il ne propose de
réponses, à l’image de son duo à l’écran, écartelé entre la fidélité à la
souffrance de leurs congénères et la soif d’émancipation de leur identité de
Juif. La mise en scène sait d’ailleurs se faire d’une grande sobriété tout au
long de l’histoire, cette pudeur laissant toute la place au jeu des acteurs, et
notamment à la très belle interprétation de Vladimir Friedman en émouvant exilé
de l’intérieur.
S’il est vrai que les liens entre
l’histoire d’amour impossible des deux héros et la chape de plomb imposée aux
Juifs d’Odessa est moins évidente que ne le laisse suggérer le titre du film, Les Interdits parvient tout de même à
subtilement mêler ces deux récits sans jamais sombrer dans la trivialité, ce
qui est en soi appréciable. Tout comme Jérémie Lippman légèrement apathique au
début mais dont l’interprétation très littéraire gagne en impact quand la
dramatique se met en place, celui-ci monte d’ailleurs en puissance et en
profondeur à l’image d’une fin sobre mais efficace, contredisant l’idée que la
plupart des films commencent fort pour finalement s’essouffler.
Si Les Interdits ne satisferont sans doute pas assez les tenants de la
démonstration de style permanente et de la performance pour la performance, sa
simplicité est en réalité tout sauf simpliste et porte la marque d’une grande
maîtrise de l’économie de moyens à utiliser pour atteindre ses buts à l’écran.
Peut-être en partie anecdotique par sa forme, il n’en est pas moins d’une
élégance toute rentrée car simple, beau et intelligent à la fois, ce qui est
finalement assez rare. Il n’y a pas que les petits films et les grands films,
il y a aussi tout le reste.
Note : 8,5 (Barème notation)
Pour vous faire un avis par
vous-même : la bande annonce
A suivre : Comment j’ai
détesté les maths
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