Retour du maintenant bien installé duo Scorsese / Di Caprio avec l’adaptation à l’écran de l’histoire vraie de l’ascension fulgurante d’un golden boy de Wall Street. Immense débauche filmée à grands renforts d’adrénaline, Le loup de New York est l’ultime testament de deux hommes cherchant ensemble depuis 10 ans à cerner toute la folie de l’Amérique, en ne lui cherchant cette fois plus de circonstances atténuantes.
Ça y est je suis blindé, bye bye Hollywood je pars en croisière dans la baie de Somme |
A première vue, Le loup de Wall Street semble être
l’aboutissement d’un cycle, le dernier épisode grandiose d’une décennie de
longs métrages ayant vu Leonardo Di Caprio donner vie pour Martin Scorsese à
toutes les facettes de la terrible et folle brutalité du rêve américain (Gangs of New York, Aviator, Les Infiltrés,
Shutter Island). Voici effectivement deux monstres sacrés n’ayant eu de
cesse, ensemble ou dans leur carrière respective, que de tourmenter cette
superbe illusion en lui renvoyant sa véritable image à travers un implacable
miroir déformant où la démesure finit toujours par sombrer dans la folie et la
décadence.
Dans la figure du jeune Jordan Belfort,
trader insatiable profitant du vide juridico-moral apparu dans le bling-bling
des années 80, on pourrait d’ailleurs être tenté de retrouver un peu du Franck
Abagnale de Arrête-moi si tu peux
interprété par Leonardo Di Caprio pour Steven Spielberg il y a dix ans, génial
faussaire bondissant frénétiquement d’une arnaque à une autre pour donner un
sens à sa vie. Ce serait une erreur. Car là où Steven Spielberg faisait de
Franck Abagnale un héros véritablement tragique en le montrant esclave de sa
propre névrose et de sa quête obsessionnelle d’approbation paternelle, Martin
Scorsese choisit ici de retirer à Jordan Belfort toute part de cette humanité
qui aurait pu faire du Loup de Wall
Street une classique tragédie en deux temps, avec à la clé une
réhabilitation morale de son héros.
De réhabilitation, il n’est ici
jamais question et c’est tout l’intérêt du Loup
de Wall Street, courageux pari de montrer toute l’obscénité morale et
humaine d’une classe et d’une époque, sans jamais donner à ses anti-héros la
moindre circonstance atténuante. Tout golden boy génial qu’il soit, Jordan Belfort
est en effet une banale ordure, simplement suffisamment intelligent pour tout
dévaster sur son chemin vers la fortune, et c’est cette terrible réalité que
Martin Scorsese donne à voir dans un film shooté à l’adrénaline où il n’est
jamais question de pause existentielle, car nulle remise en cause n’est au
programme. The show must go on.
Là réside toute la force du Loup
de Wall Street, fresque dopée aux amphétamines ne faisant aucune concession,
mais c’est peut-être paradoxalement aussi une de ses faiblesses. En cultivant
une logique de la performance où chaque scène doit presque montrer à elle seule
toute la folie de l’ensemble et en refusant toute profondeur psychologique à
son héros, Martin Scorsese bâtit ainsi une machine somptueuse mais ambigüe,
hésitant constamment en le drame et la farce, les effets comiques provoqués par
l’indécence à l’écran finissant quelque peu par se mettre en travers de
l’ambition dramatique de son œuvre. Une dramaturgie d’autant plus difficile à
complètement installer qu’à moins d’être soi-même un psychopathe on ne s’émeut
guère de la chute finale de Jordan Belfort, aussi attendue que peu touchante au
vu du pedigree du bonhomme.
Si les derniers instants du film
nous offrent tout de même une clé de lecture intéressante sur sa visée finale
plus subtile, il reste difficile de ne pas penser que Le loup de Wall Street surfe un tout petit peu sur le voyeurisme de
la trashitude à l’écran, que ce résultat résulte d’un choix conscient ou d’un
effet pervers de son ambition première. Mais toute l’ambiguïté du rêve
américain, écartelé entre sa prétendue pureté morale et son obsession
matérialiste, réside justement là et c’est peut-être aussi une façon pour
Martin Scorsese de souligner l’impossibilité de choisir entre ces deux
extrémités, la pomme du vice ayant depuis longtemps été croquée sans qu’il soit
possible de revenir là-dessus.
Reste dans tous les cas une œuvre
monumentale indubitablement saisissante et jamais rébarbative car, longévité
oblige, Martin Scorsese connaît tout de l’art du cinéma et le montre avec une
virtuosité qui force le respect. Si l’on hésitera à parler de chef d’œuvre,
l’abondance de biens pouvant parfois nuire à la force dramatique de l’ensemble,
Le loup de Wall Street n’en est pas
moins un film qui fera date par sa fascinante énergie et qui ne dépare pas à
l’œuvre commune de ses deux principaux protagonistes, elle véritablement
indispensable.
PS : par courtoisie pour
Jean Dujardin, dont l’interprétation d’OSS 117 est probablement la meilleure
chose qui soit arrivée au cinéma français comique des années 2000, je ne
m’étendrais pas sur son rôle dans Le loup
de Wall Street. Disons simplement que l’intersection de l’univers comique
d’OSS 117 et du drame Scorsesien ne m’apparaît pas comme une évidence et que
ses quelques apparitions ne m’ont pas paru beaucoup augmenter la valeur ajoutée
de l’œuvre de Martin Scorsese.
PS2 : Ah et Jonah Hill est excellent. Désolé, je n'ai pas trouvé d'autre endroit où le dire mais c'est le cas. Il faut voir Moneyball si vous ne l'avez pas encore vu, surtout si vous aimez le sport. Et Cyrus aussi tant qu'on y est. Enfin bref, j'ai à votre disposition une filmographie sélective des meilleurs films de Jonah Hill pour les quelques lecteurs n'ayant pas encore décroché à cet instant précis. Envoyez moi un recommandé ou appelez moi en PCV pour signaler votre intérêt, je vous la ferais parvenir en Colissimo dans les meilleurs délais.
PS2 : Ah et Jonah Hill est excellent. Désolé, je n'ai pas trouvé d'autre endroit où le dire mais c'est le cas. Il faut voir Moneyball si vous ne l'avez pas encore vu, surtout si vous aimez le sport. Et Cyrus aussi tant qu'on y est. Enfin bref, j'ai à votre disposition une filmographie sélective des meilleurs films de Jonah Hill pour les quelques lecteurs n'ayant pas encore décroché à cet instant précis. Envoyez moi un recommandé ou appelez moi en PCV pour signaler votre intérêt, je vous la ferais parvenir en Colissimo dans les meilleurs délais.
Note : 8,5 (Barème de notation)
Pour vous faire votre avis par vous-même : la bande annonce
A suivre : I used to be darker
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