dimanche 29 décembre 2013

Le loup de Wall Street : very bad trip


Retour du maintenant bien installé duo Scorsese / Di Caprio avec l’adaptation à l’écran de l’histoire vraie de l’ascension fulgurante d’un golden boy de Wall Street. Immense débauche filmée à grands renforts d’adrénaline, Le loup de New York est l’ultime testament de deux hommes cherchant ensemble depuis 10 ans à cerner toute la folie de l’Amérique, en ne lui cherchant cette fois plus de circonstances atténuantes.

Ça y est je suis blindé, bye bye Hollywood je pars en croisière dans la baie de Somme

A première vue, Le loup de Wall Street semble être l’aboutissement d’un cycle, le dernier épisode grandiose d’une décennie de longs métrages ayant vu Leonardo Di Caprio donner vie pour Martin Scorsese à toutes les facettes de la terrible et folle brutalité du rêve américain (Gangs of New York, Aviator, Les Infiltrés, Shutter Island). Voici effectivement deux monstres sacrés n’ayant eu de cesse, ensemble ou dans leur carrière respective, que de tourmenter cette superbe illusion en lui renvoyant sa véritable image à travers un implacable miroir déformant où la démesure finit toujours par sombrer dans la folie et la décadence. 

Dans la figure du jeune Jordan Belfort, trader insatiable profitant du vide juridico-moral apparu dans le bling-bling des années 80, on pourrait d’ailleurs être tenté de retrouver un peu du Franck Abagnale de Arrête-moi si tu peux interprété par Leonardo Di Caprio pour Steven Spielberg il y a dix ans, génial faussaire bondissant frénétiquement d’une arnaque à une autre pour donner un sens à sa vie. Ce serait une erreur. Car là où Steven Spielberg faisait de Franck Abagnale un héros véritablement tragique en le montrant esclave de sa propre névrose et de sa quête obsessionnelle d’approbation paternelle, Martin Scorsese choisit ici de retirer à Jordan Belfort toute part de cette humanité qui aurait pu faire du Loup de Wall Street une classique tragédie en deux temps, avec à la clé une réhabilitation morale de son héros.

De réhabilitation, il n’est ici jamais question et c’est tout l’intérêt du Loup de Wall Street, courageux pari de montrer toute l’obscénité morale et humaine d’une classe et d’une époque, sans jamais donner à ses anti-héros la moindre circonstance atténuante. Tout golden boy génial qu’il soit, Jordan Belfort est en effet une banale ordure, simplement suffisamment intelligent pour tout dévaster sur son chemin vers la fortune, et c’est cette terrible réalité que Martin Scorsese donne à voir dans un film shooté à l’adrénaline où il n’est jamais question de pause existentielle, car nulle remise en cause n’est au programme. The show must go on.

Là réside toute la force du Loup de Wall Street, fresque dopée aux amphétamines ne faisant aucune concession, mais c’est peut-être paradoxalement aussi une de ses faiblesses. En cultivant une logique de la performance où chaque scène doit presque montrer à elle seule toute la folie de l’ensemble et en refusant toute profondeur psychologique à son héros, Martin Scorsese bâtit ainsi une machine somptueuse mais ambigüe, hésitant constamment en le drame et la farce, les effets comiques provoqués par l’indécence à l’écran finissant quelque peu par se mettre en travers de l’ambition dramatique de son œuvre. Une dramaturgie d’autant plus difficile à complètement installer qu’à moins d’être soi-même un psychopathe on ne s’émeut guère de la chute finale de Jordan Belfort, aussi attendue que peu touchante au vu du pedigree du bonhomme.

Si les derniers instants du film nous offrent tout de même une clé de lecture intéressante sur sa visée finale plus subtile, il reste difficile de ne pas penser que Le loup de Wall Street surfe un tout petit peu sur le voyeurisme de la trashitude à l’écran, que ce résultat résulte d’un choix conscient ou d’un effet pervers de son ambition première. Mais toute l’ambiguïté du rêve américain, écartelé entre sa prétendue pureté morale et son obsession matérialiste, réside justement là et c’est peut-être aussi une façon pour Martin Scorsese de souligner l’impossibilité de choisir entre ces deux extrémités, la pomme du vice ayant depuis longtemps été croquée sans qu’il soit possible de revenir là-dessus.

Reste dans tous les cas une œuvre monumentale indubitablement saisissante et jamais rébarbative car, longévité oblige, Martin Scorsese connaît tout de l’art du cinéma et le montre avec une virtuosité qui force le respect. Si l’on hésitera à parler de chef d’œuvre, l’abondance de biens pouvant parfois nuire à la force dramatique de l’ensemble, Le loup de Wall Street n’en est pas moins un film qui fera date par sa fascinante énergie et qui ne dépare pas à l’œuvre commune de ses deux principaux protagonistes, elle véritablement indispensable.


PS : par courtoisie pour Jean Dujardin, dont l’interprétation d’OSS 117 est probablement la meilleure chose qui soit arrivée au cinéma français comique des années 2000, je ne m’étendrais pas sur son rôle dans Le loup de Wall Street. Disons simplement que l’intersection de l’univers comique d’OSS 117 et du drame Scorsesien ne m’apparaît pas comme une évidence et que ses quelques apparitions ne m’ont pas paru beaucoup augmenter la valeur ajoutée de l’œuvre de Martin Scorsese.

PS2 : Ah et Jonah Hill est excellent. Désolé, je n'ai pas trouvé d'autre endroit où le dire mais c'est le cas. Il faut voir Moneyball si vous ne l'avez pas encore vu, surtout si vous aimez le sport. Et Cyrus aussi tant qu'on y est. Enfin bref, j'ai à votre disposition une filmographie sélective des meilleurs films de Jonah Hill pour les quelques lecteurs n'ayant pas encore décroché à cet instant précis. Envoyez moi un recommandé ou appelez moi en PCV pour signaler votre intérêt, je vous la ferais parvenir en Colissimo dans les meilleurs délais.


Note : 8,5 (Barème de notation)

Pour vous faire votre avis par vous-même : la bande annonce



A suivre : I used to be darker
On a enfin chopé Joe Dalton, Leo est décidément très fort, plus que Lucky Luke en tout cas

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