493ème film sur le désarroi de pauvres jeunes adultes s’ennuyant
à se regarder le nombril et à ne pas savoir quoi faire de leur vie sorti de
puis Garden
State (2004), We used to be darker
n’a pas plus ou moins d’intérêt cinématographique, artistique ou philosophique
que tous ses nombreux et rébarbatifs prédécesseurs mais a au moins eu un mérite :
celui de me faire découvrir qu’un complot caché se trame dans notre dos. Oui,
on nous ment.
Vous me réveillez quand c'est fini ? |
Quelque part au fond d’un des
innombrables studios bâtis sur les collines d’Hollywood comme autant de temples
élevés à l’inculture et l’anéantissement moral des masses, quelque part au fond
d’un de ces endroits maudits où l’on prépare en secret les prochains
blockbusters destinés à exterminer une bonne fois pour toute tout sens critique
ou artistique au sein de la population cinéphile, quelque part au fond d’un de
ces repaires diaboliques contrôlés par de sombres esprits capitalistes
uniquement soucieux de leur épanouissement matériel et du malheur de l’humanité,
quelque part tout au fond d’un de ces antres de perdition où l’on n’imagine
croiser que de gros producteurs véreux cachant leur vice derrière d’ignobles
lunettes à double foyer et un épais bouclier de graisse corporelle, quelque
part tout là-bas, tout au fond d’une cour où l’on rentre accroupi nez à nez avec une flaque d’huile de moteur
imbibée d’urine, en ouvrant une porte menaçant à chaque seconde de s’effondrer
sur elle-même par le poids des années, se cache un lugubre bâtiment sans
chauffage ni électricité où l’on aperçoit à la lumière de pâles bougies des
figures s’agitant dans la pénombre et murmurant des bruits à peine audibles. Oui,
quelque part tout au fond des ténèbres d’Hollywood, à l’abri de tout soupçon et
de toute curiosité mal placée, on produit des films indépendants.
Ainsi va en effet le secret le
mieux gardé du cinéma international : tous les films indépendants dits « intimistes »,
« confidentiels », « arty », « indies » et autres
qualificatifs grotesques sont en effet produits de la main même des maîtres d’Hollywood,
sans que nul ne soit au courant de ces liens incestueux entre cinéma mainstream
et indépendant. Bénéficiant des mêmes moyens de production industriels que
leurs équivalents destinés au grand public, ils sont toutefois réalisés à
moindre frais que ceux-ci, l’absence totale de scénario, de dialogues, de jeu d’acteur
ou d’antidote à l’ennui permettant des économies d’échelle considérables pour
les studios californiens.
Mais n’est-ce alors encore qu’une
sombre histoire d’argent me direz-vous ? En réalité non, les motifs cachés
sont bien plus retors qu’un simple besoin de rentrées financières.
Cette production industrielle de
films pouvant être réalisés par n’importe quel étudiant en cinéma raté se
voyant donner une heure et demie pour procrastiner sans autre but que sa propre
satisfaction a d’abord une vertu simple mais essentielle : le remplissage.
Les blockbusters hollywoodiens prenant du temps et de l’argent à être produits,
pour le résultat que l’on sait, les grands studios ont régulièrement besoin de
films bon marché pour inonder les salles du monde entier dans l’intervalle, ne
courant ainsi pas le risque de voir se développer des cinémas locaux qui pourraient remettre
en cause la suprématie de l’industrie cinématographique américaine. La quantité
importe donc plus que la qualité en ce domaine.
Mais les films indépendants
américains ne sont pas seulement des machines à remplissage, ils poursuivent en
réalité un but bien plus subtil. Offrant le spectacle d’acteurs apathiques
bourrés de tranquillisants par la production ou simplement affligés par l’insipidité
du matériau à leur disposition, ils permettent de durablement dégoûter des
générations de spectateurs du cinéma dit « indépendant », voire même « intellectuel »
(beurk, quelle horreur), et de ramener ceux-ci dans le droit chemin des grosses
productions hollywoodiennes, seules à mériter leur attention. Entretenant la
douce illusion qu’il n’y a évidemment pas de juste milieu entre des
blockbusters d’une stupidité infinie et des films intellos d’un ennui
mortifère, les grands producteurs californiens peuvent donc continuer pour
aussi longtemps que bon leur semble à inonder le monde de parodies de films
uniquement destinés à maintenir en vie le rêve américain de la consommation de
masse, car il n’y a pas que l’argent qui compte quand même, les rêves c’est
important aussi.
Voilà, trois mots sur I used to be darker maintenant.
Alors que les films indies ont en
général au moins l’avantage de proposer au spectateur une compilation de
morceaux sympas pour égayer leurs soirées entre amis, parce que Universal et
iTunes aussi doivent écouler leurs stocks, I
used to be darker a décidé de nous priver de ça aussi, préférant nous
assommer avec de longues lamentations à la guitare du genre c’est tellement
beau et profond parce que c’est joué à l’arrache et a cappella donc c’est
forcément mieux, sauf que non.
Adèle Exarchopoulos fait une
apparition d’une minute au début du film, ce qui constitue de loin le moment le
plus intense du film, puisqu’à ce moment précis je n’étais pas sûr que c’était
elle parce que je n’avais pas regardé le casting avant le film et puis si c’est
bien elle donc voilà ça n’a à peu près aucun autre intérêt que l’anecdote mais
c’est marrant quand même, contrairement à ce qui va suivre. Voilà, si vous avez
de gros moyens financiers vous pouvez donc aller voir ce film juste pour la
première minute, et partir après.
Ce qui m’amène à ma dernière
remarque. De toute façon, ce film n’est distribué que dans 8 cinémas en France,
et sûrement encore moins dès demain. Vous n’aurez donc a priori pas à trop vous
torturer pour savoir si vous allez tenter le coup ou pas. Ou bien le simple
fait que j’en ai dit le plus grand mal vous donnera furieusement envie d’aller
le voir et dans ce cas-là je ne peux plus rien pour vous, et je ne bougerais de
toute façon pas le petit doigt même si je pouvais, parce que ça ressemble quand
même à de la défiance gratuite à mon égard, et j’ai beau être sympa ça ne me
plaît pas trop.
Note : 3 (Barème de notation)
Pour vous faire un avis par
vous-même : la bande-annonce
A suivre : La vie rêvée de
Walter Mitty