vendredi 26 août 2016

Quelques liens et réflexions d'été


Cloué à l'ombre faute d'air dehors, canicule oblige, j'en profite pour partager quelques réflexions peu intéressantes :


La presse française ne prend jamais de vacances

Tout comme moi, Télérama a profité de cette fin d'été pesante pour se détendre, avec une idée plutôt bien trouvée : faire parler 4 jeunes réalisateurs français "indé" sur les blockbusters, avec à chaque fois comme prétexte un film sorti cet été (en l'occurrence, Star Trek, Ghostbusters, Suicide Squad et Le Bon Gros Géant). Les quatre victimes sont, sans ordre particulier, Thomas Salvador, Sébastien Betbeder, Rebecca Zlotowski et Davy Chou. Il est assez remarquable de noter que pour trois d'entre eux ils n'ont pas d'actualité particulière, et aucun intérêt promotionnel donc, ce qui rend l'exercice d'autant plus plaisant.

Je ne vais pas m'étendre sur le fond de la chose (vous pouvez lire tout ça ici, c'est vraiment passionnant si on s'intéresse un peu à ce qu'est censé être ou non un blockbuster, et a fortiori un blockbuster de qualité, et puis c'est aussi l'occasion de découvrir 4 cinéastes qui sont tout simplement 4 cinéphiles comme vous et moi), mais, pour résumer un peu trivialement, chacune des interviews est intéressante parce que :

- Thomas Salvador est un vrai passionné de science-fiction et de superhéros, et c'est d'ailleurs lui qui avait signé l'année dernière le fameux Vincent n'a pas d'écailles, qui se présentait comme le premier film français de science-fiction garantie sans effets spéciaux. C'était assez original, et plutôt bien fait (il ne faut vraiment pas s'attendre à de la bonne grosse SF par contre).
- Rebecca Zlotowski raconte qu'elle a longtemps eu honte d'aimer les films mainstream, parce que tous ses amis normaliens préféraient les films d'art et d'essai hongrois ou boliviens. En vrai, elle regardait en cachette Ghostbusters en VHS. Certains souffrances intérieures sont insondables.
- Dany Chou, lui, ne regardait que Kiarostami et Tarkovski quand il était jeune (famille de cinéma, ou juste pathologie mentale), alors un jour il a décidé de rattraper le temps perdu en passant un été entier à regarder tous les gros blockbusters qui tâchent des 50 dernières années. Il a découvert qu'il aimait beaucoup Alien, mais que le 1, pas le 2.
- Sébastien Betbeder dit plein de choses intéressantes sur le cinéma, et d'ailleurs, une chose en amenant une autre, j'aimerais parler un peu plus longtemps de lui.

Thomas Salvador, tout comme Vincent, n'a pas d'écailles, ou alors il les cache sous ce joli pull rouge un peu daté.


Sébastien Betbeder est un homme qui gagne à être connu

Sébastien Betbeder s'est fait connaître avec 2 automnes, 3 hivers, qui avait eu un beau succès critique à l'époque (même ici, c'est dire). Il a sorti un deuxième long-métrage il y a quelques mois : Marie et les naufragés, avec Vimala Pons, qui est absolument partout en ce moment puisqu'elle jouait aussi dans Vincent n'a pas d'écailles, et mille autres films où il y a aussi souvent Vincent Macaigne, parce que Vincent Macaigne est partout lui aussi, même dans les films où il n'y a pas Vimala Pons, mais au moins une personne qui a envie de se tirer une balle dans la tête, juste pour rire, ou pas.

Mais pour en revenir à Sébastien Betbeder, ce qu'on sait moins de Sébastien Betbeder c'est qu'il a aussi sorti en 2014 un objet cinématographique assez étrange, mais avait beaucoup plu au sein de la rédaction de SLETO, avant qu'elle ne prenne de longues vacances : Inupiluk / Le voyage que nous ferons au Groenland.

A partir de là, deux solutions : soit le sujet vous intéresse mais pas ce que je vais raconter, et dans ce cas vous pourrez lire l'excellente interview de Sébastien Betbeder dans Télérama où il explique tout, soit vous restez un peu plus longtemps, à vos risques et périls.

Essayons d'expliquer, donc. Inupiluk / Le voyage que nous ferons au Groenland est une succession de deux courts-métrages :

- Le premier, Inupiluk, est une fiction plus ou moins classique, qui voit deux Inuits du Groenland débarquer à Paris, et être baladés en France par deux Parisiens un peu paumés qui n'avaient pas prévu ça, interprétés par Thomas Blanchard et Thomas Scimeca. C'est plutôt cocasse, et ça dure 30 minutes. Jusque là, tout va bien.

- Le second, Le voyage que nous ferons au Groenland, n'était pas prévu, lui, mais il a germé dans l'esprit de Sébastien Betbdeder quand France Culture lui a proposé de réaliser un court documentaire. En fait, le court-métrage qui est en sorti est plus un mockumentary, qui met en scène les deux acteurs d'Inupiluk quelques mois après : un beau jour Betbdeder leur file un rendez-vous, et leur explique qu'il se verrait bien tourner un nouveau film avec eux, mais un long-métrage cette fois, et au Groenland, chez les fameux Inuits de la Terre Verte. Cocasse là encore. Un faux documentaire donc, mais pas que en même temps, parce que l'histoire est véridique (il y aura bien un film au Groenland, je vais y revenir), mais ces petites scénettes ne le sont pas vraiment, elles, ou on imagine en tout cas, ou on ne sait plus vraiment, à vrai dire. Bref, tout ça est assez confus, et c'est ce qui est intéressant je trouve, parce qu'en plus les deux Thomas sont assez forts pour jouer au chat et à la souris, et à la fin on ne sait plus trop quoi en penser. Etrange.

Et ça ne s'arrête pas là. Dans la réalité, la vraie, il y aura vraiment un film qui s'appelle Le voyage au Groenland, de Sébastien Betbeder, avec Thomas Blanchard et Thomas Scimeca. Ca sortira à la fin de l'année, et un premier extrait, assez loufoque, évidemment, est déjà sorti :


J'ajoute, parce que ça n'en finit jamais, que ce film a été aussi l'occasion pour Sébastien Betbeder d'imaginer un projet "transmédia" assez novateur, avec websérie parodique sur les vraies-fausses coulisses, journal de bord du réalisateur, vraies séquences documentaires sur la vie au Groenland, bref plein de choses modernes et innovantes qui plairaient sans doute beaucoup à Emmanuel Macron. Blague à part, le site du projet est , et je trouve tout ça assez osé, vraiment original, et donc, en résumé, je dirais que j'aime bien ce que fait Sébastien Betbeder.

Sébastien Betbeder, en vrai, enfin je crois. On n'est jamais vraiment sûr de rien.