mardi 31 décembre 2013

I used to be darker : on vous ment



493ème film sur le désarroi de pauvres jeunes adultes s’ennuyant à se regarder le nombril et à ne pas savoir quoi faire de leur vie sorti de puis Garden State (2004), We used to be darker n’a pas plus ou moins d’intérêt cinématographique, artistique ou philosophique que tous ses nombreux et rébarbatifs prédécesseurs mais a au moins eu un mérite : celui de me faire découvrir qu’un complot caché se trame dans notre dos. Oui, on nous ment.
Vous me réveillez quand c'est fini ?

Quelque part au fond d’un des innombrables studios bâtis sur les collines d’Hollywood comme autant de temples élevés à l’inculture et l’anéantissement moral des masses, quelque part au fond d’un de ces endroits maudits où l’on prépare en secret les prochains blockbusters destinés à exterminer une bonne fois pour toute tout sens critique ou artistique au sein de la population cinéphile, quelque part au fond d’un de ces repaires diaboliques contrôlés par de sombres esprits capitalistes uniquement soucieux de leur épanouissement matériel et du malheur de l’humanité, quelque part tout au fond d’un de ces antres de perdition où l’on n’imagine croiser que de gros producteurs véreux cachant leur vice derrière d’ignobles lunettes à double foyer et un épais bouclier de graisse corporelle, quelque part tout là-bas, tout au fond d’une cour où l’on rentre accroupi nez à nez avec une flaque d’huile de moteur imbibée d’urine, en ouvrant une porte menaçant à chaque seconde de s’effondrer sur elle-même par le poids des années, se cache un lugubre bâtiment sans chauffage ni électricité où l’on aperçoit à la lumière de pâles bougies des figures s’agitant dans la pénombre et murmurant des bruits à peine audibles. Oui, quelque part tout au fond des ténèbres d’Hollywood, à l’abri de tout soupçon et de toute curiosité mal placée, on produit des films indépendants. 

Ainsi va en effet le secret le mieux gardé du cinéma international : tous les films indépendants dits « intimistes », « confidentiels », « arty », « indies » et autres qualificatifs grotesques sont en effet produits de la main même des maîtres d’Hollywood, sans que nul ne soit au courant de ces liens incestueux entre cinéma mainstream et indépendant. Bénéficiant des mêmes moyens de production industriels que leurs équivalents destinés au grand public, ils sont toutefois réalisés à moindre frais que ceux-ci, l’absence totale de scénario, de dialogues, de jeu d’acteur ou d’antidote à l’ennui permettant des économies d’échelle considérables pour les studios californiens. 

Mais n’est-ce alors encore qu’une sombre histoire d’argent me direz-vous ? En réalité non, les motifs cachés sont bien plus retors qu’un simple besoin de rentrées financières.

Cette production industrielle de films pouvant être réalisés par n’importe quel étudiant en cinéma raté se voyant donner une heure et demie pour procrastiner sans autre but que sa propre satisfaction a d’abord une vertu simple mais essentielle : le remplissage. Les blockbusters hollywoodiens prenant du temps et de l’argent à être produits, pour le résultat que l’on sait, les grands studios ont régulièrement besoin de films bon marché pour inonder les salles du monde entier dans l’intervalle, ne courant ainsi pas le risque de voir se développer des cinémas locaux qui pourraient remettre en cause la suprématie de l’industrie cinématographique américaine. La quantité importe donc plus que la qualité en ce domaine. 

Mais les films indépendants américains ne sont pas seulement des machines à remplissage, ils poursuivent en réalité un but bien plus subtil. Offrant le spectacle d’acteurs apathiques bourrés de tranquillisants par la production ou simplement affligés par l’insipidité du matériau à leur disposition, ils permettent de durablement dégoûter des générations de spectateurs du cinéma dit « indépendant », voire même « intellectuel » (beurk, quelle horreur), et de ramener ceux-ci dans le droit chemin des grosses productions hollywoodiennes, seules à mériter leur attention. Entretenant la douce illusion qu’il n’y a évidemment pas de juste milieu entre des blockbusters d’une stupidité infinie et des films intellos d’un ennui mortifère, les grands producteurs californiens peuvent donc continuer pour aussi longtemps que bon leur semble à inonder le monde de parodies de films uniquement destinés à maintenir en vie le rêve américain de la consommation de masse, car il n’y a pas que l’argent qui compte quand même, les rêves c’est important aussi.

Voilà, trois mots sur I used to be darker maintenant.

Alors que les films indies ont en général au moins l’avantage de proposer au spectateur une compilation de morceaux sympas pour égayer leurs soirées entre amis, parce que Universal et iTunes aussi doivent écouler leurs stocks, I used to be darker a décidé de nous priver de ça aussi, préférant nous assommer avec de longues lamentations à la guitare du genre c’est tellement beau et profond parce que c’est joué à l’arrache et a cappella donc c’est forcément mieux, sauf que non.

Adèle Exarchopoulos fait une apparition d’une minute au début du film, ce qui constitue de loin le moment le plus intense du film, puisqu’à ce moment précis je n’étais pas sûr que c’était elle parce que je n’avais pas regardé le casting avant le film et puis si c’est bien elle donc voilà ça n’a à peu près aucun autre intérêt que l’anecdote mais c’est marrant quand même, contrairement à ce qui va suivre. Voilà, si vous avez de gros moyens financiers vous pouvez donc aller voir ce film juste pour la première minute, et partir après.

Ce qui m’amène à ma dernière remarque. De toute façon, ce film n’est distribué que dans 8 cinémas en France, et sûrement encore moins dès demain. Vous n’aurez donc a priori pas à trop vous torturer pour savoir si vous allez tenter le coup ou pas. Ou bien le simple fait que j’en ai dit le plus grand mal vous donnera furieusement envie d’aller le voir et dans ce cas-là je ne peux plus rien pour vous, et je ne bougerais de toute façon pas le petit doigt même si je pouvais, parce que ça ressemble quand même à de la défiance gratuite à mon égard, et j’ai beau être sympa ça ne me plaît pas trop.

Note : 3 (Barème de notation)

Pour vous faire un avis par vous-même : la bande-annonce


A suivre : La vie rêvée de Walter Mitty

"Regarde, c'est le scénario du film" "Il fait combien de pages ?" "De pages ? Non regarde c'est juste les deux lignes en haut là ...le reste c'est des dessins du fils du réalisateur qui s'emmerde sur le tournage"






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