10 ans après le début de la furia Apatow aux États-Unis et son cortège
des comédies gentiment trashs, et trois ans après le Mes meilleures amies de Kristen Wiig qui se réappropriait un genre
d’abord très masculin, Camille Chamoux bouscule une comédie française ne s’étant
jusque-là pas vraiment mise au niveau avec son premier film Les Gazelles. Enfin quelque chose de pas
trop pourri dans le royaume de France.
Quand l’on connait la capacité du
cinéma et de la télévision française à copier sans vergogne tout ce qui vient
de l’autre côté de l’Atlantique pour économiser les frais d’écriture de ses
films on pouvait s’interroger sur l’absence d’équivalents français au phénomène
Apatow, ayant pourtant changé en profondeur la comédie américaine depuis 2005
et le premier film labellisé Judd Apatow (40
ans toujours puceau).
Le cinéma français n’a en effet jusque-là
jamais vraiment voulu (ou pu ?) emboîter le pas d’un genre ayant pourtant
considérablement rafraichi le genre comique en 10 ans de films pas toujours
fins mais souvent drôles, le récent C’est
la fin en étant la preuve triomphale (voire mon top 10 de 2013). Alors qu’une
deuxième génération, toujours largement parrainée par Judd Apatow, est déjà en
marche outre Atlantique avec le déferlement de comédies de filles cassant les
codes de la même façon que leurs compères masculins (Kristen Wiig donc, et la
très branchée Lena Dunham avec sa série Girls),
les producteurs hexagonaux ont eux préféré continuer à produire à la
chaîne leurs éternelles et interchangeables comédies de mœurs ne reposant le
plus souvent que sur des gros castings et des blagues convenues mille fois vues.
Le seul fait qu’un film comme Les Gazelles sorte aujourd’hui, en
dehors de ses propres qualités (j’y reviens tout de suite), est donc en soi une
bonne nouvelle, encourageante et rafraichissante : on peut apparemment aussi
écrire des comédies de qualité en France, ce n’était donc qu’un choix délibéré
de ne pas le faire jusqu’à présent (il y a évidemment quand même de bonnes
comédies françaises de temps en temps, je force le trait pour les besoins de
mon argumentaire vous l’aurez compris, mais vous voyez ou je veux en venir).
Passons aux faits maintenant.
Bien que bâti sur une idée de départ intéressante et la volonté claire de
casser les codes classiques de la comédie française à papa, le premier film de
Camille Chamoux aurait pourtant pu être raté. La comédie générationnelle de
potes, ou d’adulescents si vous préférez, comporte en effet assez de lieux
communs en elle-même pour vite tourner au vinaigre, ou plutôt au nanard, si l’on
se contente de les agiter sans savoir s’amuser avec (le bancal Dépression et des potes sorti en 2012 en était un triste exemple, entre autres).
Étonnamment pour un premier film,
ce n’est jamais vraiment le cas dans Les
Gazelles, très bonne surprise de ces premiers jours de printemps 2014. Habilement écrit et très
rythmé, le film de Camille Chamoux et Mona Achache se révèle plaisant dès les
premières secondes et faiblit peu en route, nous offrant ainsi une heure et
demie très enlevée et très souvent drôle, ce qui est quand même le plus important. Cette réussite est bien sûr en
grande partie celle de son auteur et interprète principale, Camille Chamoux
portant le film sur ses épaules du début à la fin avec une maîtrise
impressionnante pour une quasi novice au cinéma. Une carrière à suivre.
Plein d’énergie et parsemant ici
et là quelques trouvailles comme les très rapides flashbacks éparpillés pendant
le film, Les Gazelles parvient
également à ne pas complément rater sa fin, ce qui est pourtant souvent le défaut
des œuvres de la fabrique Apatow. Malgré une hésitation un peu maladroite dans
les derniers instants, Les Gazelles
nous épargne en effet à peu près l’éternel happy end gâchant un peu le plaisir de
ce qui l’a précédé, cette intelligence permettant de profiter pleinement du
film dans son entier.
Si le long métrage de Camille Chamoux
ne révolutionne bien sûr pas grand-chose pour qui connaît ses prédécesseurs
anglo-saxons et qu’il reste évidemment très prévisible (mais après tout le
comique ne se mesure pas forcément au nombre de retournements dramatiques), Les Gazelles n’en montre pas moins avec
un certain brio qu’il est possible de faire des films grand public sans renoncer
à une certaine liberté d’écriture, et donc qualité.
Il serait peut-être temps que d’autres
s’en inspirent.
Note : 8 (Barème notation)
Pour vous faire votre propre avis :
la bande-annonce
A suivre : C'est compliqué
A suivre : C'est compliqué
C'est vrai que c'est très rafraichissant les shots de menthe à l'eau |