samedi 29 mars 2014

Her : Love machine



Au train où vont les relations humaines, un film comme Her devait forcément sortir un jour pour matérialiser l’intuition grandissante que l’Homme s’apprête à être soluble dans la machine, même dans ses recoins les plus intimes, et l’amour avec donc. Il fallait une première fois, Her est celle-là. 

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Il fallait fatalement que Her sorte un jour, quelle que soit sa forme précise. Le film de Spike Jonze est en effet bien le film d’une époque, et c’est en soi un oubli enfin réparé que quelqu’un ait enfin eu le courage et la force de le porter à l’écran.

Et Her porte d’abord bien cette espérance en explorant plutôt intelligemment et subtilement cette histoire qui devrait trotter dans la tête de beaucoup d’entre nous, et déjà obséder pas mal de scénaristes et réalisateurs n’ayant juste pas encore trouvé le bon angle pour s’attaquer à cette fable futuriste, qui résonne parfaitement avec les évolutions de la société que nous observons et pressentons tous les jours.

A mi-chemin entre la science-fiction et le film de proximité, Spike Jonze a en effet su doser anticipation et réalisme pour créer un univers à la fois proche et lointain où les étonnants gadgets dévoilés semblent le prolongement logique de la marche du monde telle que nous la voyons en action aujourd’hui. L’effet Apple y est évidemment pour beaucoup, du nom de l’engin vedette du film à une esthétique très lumineuse ressemblant curieusement au monde merveilleusement pur que l’on nous donne à voir dans les publicités de la marque californienne.

Dans cet univers ressemblant donc comme une goutte d’eau à une réclame de Steve Jobs qui aurait un peu dégénérée, Spike Jonze a confié les clés du camion à un Joaquim Phoenix comme à son habitude très investi par son rôle. Comme d’habitude aussi, certains trouveront que l’animal en fait un poil trop, d’autres crieront au génie, la vérité est sans doute entre les deux mais difficile de ne pas être quelque part un peu fasciné par l’interprétation qu’il nous offre de ce Monsieur Tout le Monde à côté de ses pompes, exact opposé du Walter Mitty de Ben Stiller qui aurait lui décidé de complètement renoncer à la réalité pour profiter à fond des facilités de la vie virtuelle.

Passés ces qualités évidentes, quelque chose cloche malheureusement vite dans cet intéressant spectacle, d’abord difficile à identifier puis de plus en plus évident. Her va en effet sans doute un peu trop loin, mais aussi pas assez.

Trop loin car il est tout de même difficile de complètement s’investir dans une histoire qui reste à dormir debout quel que soit l’angle que l’on choisisse pour l’aborder, et qui devient encore plus invraisemblable à mesure que le film avance. Offrant dans un premier temps une tonalité comique rafraichissante par les effets absurdes fréquents et plutôt bien trouvés, cette absurdité se retourne hélas un peu contre lui quand le rire finit par l’emporter devant des situations plus cocasses que dramatiques, empêchant à Her de vraiment être le joli drame que l’on aurait voulu voir. 

Pas assez loin car en dehors de quelques esquisses de réflexion intéressantes dans la première moitié du film, Her se réfugie ensuite dans un mélodrame très convenu et franchement un peu prévisible, s’enlisant progressivement dans la mièvrerie avant de finalement sombrer dans un épilogue vraiment douteux. Dommage de prendre des chemins aussi escarpés pour finir sur une autoroute au volant d’un monospace …

Cette dérive regrettable mise à part, on ne peut toutefois par retirer à Her d’avoir eu le courage d’explorer pour la première fois une idée indéniablement fascinante, restant quoi qu’il en soit le premier film à lui avoir donné complètement vie, avec ses qualités et ses défauts. Ce n’est peut-être qu’une pierre posée sur les fondations d’un ou plusieurs futurs grands films, mais c’est finalement déjà beaucoup.


Note : 6,5 (Barème notation)

Pour vous faire un avis par vous-même : la bande annonce


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