Tout a apparemment déjà été dit sur l’amour et pourtant on y revient
sans cesse au cinéma comme ailleurs, avec une multitude d’angles, de points de
vue et de façons d’essayer de toucher du doigt un peu du mystère de ce curieux
sentiment. Entièrement centré sur l’épreuve du premier face-à-face, Rencontres parvient brillamment à saisir
une partie de cette énigme en concentrant toute son attention sur l’aspect
quasi chimique et physique du phénomène, faisant de ce documentaire au statut
incertain un étonnant et réjouissant bestiaire des comportements amoureux.
Gilbert Montagné a toujours un certain succès auprès des femmes. On les comprend. |
Le documentaire cinématographique
a toujours eu un rôle un peu bâtard au cinéma. Documentaire biaisé abandonnant son
éthique journalistique pour faire du scénario selon certains, genre mineur ne
méritant pas la qualification d’œuvre d’art selon d’autres, il garde un statut un
peu à part dans la production cinématographique, pas complètement dedans mais
pas totalement dehors non plus. L’art documentaire, car c’en est bien un, a
pourtant un mérite tout simple mais tout sauf anodin : représenter le
réel, et c’est jusqu’à dernier ordre encore une des missions, entre autres, du
cinéma.
Car Rencontres n’est pas une enquête sociologique à la méthode scientifique
inattaquable, ni un drame amoureux qui fera pleurer dans les chaumières, et c’est
tant mieux. Le film de Maroussia Dubreuil et Alexandre Zeff a en effet son
propre genre, quelque part entre le micro trottoir et le film choral, ce qui en
fait un document assez rare et donc précieux.
Petit rappel de l’opération :
une soixante de volontaires sont recrutés ici et là pour rencontrer un ou une
illustre inconnue autour d’un verre (oui, le rituel n’a rien d’original de ce côté-là)
le temps d’un après-midi de l’été parisien, et donc être filmés en plein acte
de sympathisation (ou pas). Voilà pour l’aspect sociologique. Côté cinéma
maintenant, seuls 10 couples auront l’honneur du montage final, évidemment les
plus intéressants on l’imagine : on est déjà là dans une forme de récit,
car le parti-pris est ici clairement de zapper l’ennui et le convenu pour aller
dans ce qui sort de l’ordinaire, et qui va pouvoir interpeler chacun de nous,
parce que chacun s’identifiera un peu, forcément. Cinéma toujours, tout ça est
bien sûr filmé et la caméra n’est pas invisible, comme la prise de son, et il
faut bien que cela ait une forme d’impact sur les comportements que l’on
découvre à l’écran, mais c’est un biais difficilement contournable à moins de
faire de la caméra cachée, ce qui serait quand même un peu léger artistiquement
parlant.
Tout ceci étant dit, car on est
forcé d’un peu questionner le statut artistique et scientifique de tout ça,
Maroussa Dubreuil et Alexandre Zeff ont réussi à faire de ce pari au fond assez
risqué un vrai moment de cinéma, et il faut bien le dire un vrai moment de
vérités, au pluriel (je précise car je sais bien que certains d’entre vous ne
lisent pas ces lignes avec le sérieux qu’il faudrait).
En diversifiant les profils
psychologiques et les duos amoureux, Rencontres
sait ainsi laisser ouverte la grande question tout au long du film, sans jamais
vraiment lasser le spectateur, qui trouve constamment de quoi rebondir et se
confronter lui-même à ce qu’il voit de l’autre côté de l’écran. Il y a en effet
beaucoup de choses dans ce Rencontres,
en tout cas assez pour ne pas avoir l’impression d’être dans la démonstration
pure et simple, et c’est en ça que l’on est donc ici complètement dans le
cinéma avec un grand C (là j’ai préféré mettre la majuscule, toujours pour que
les moins concentrés saisissent plus facilement).
Si l’on rit bien sûr souvent, le
cocasse des situations n’échappant à personne, Rencontres offre aussi surtout l’occasion de se poser là et d’observer
forcément un peu fasciné ces scènes paraissant surréalistes mais pourtant on ne
peut plus réelles. Captant souvent très bien l’angoisse du regard de l’autre
sur le visage de certains, sorte de terreur d’être jugé, il attrape au passage
dix autres comportements et expressions typiques se baladant quelque part entre
l’arrogance à la timidité maladive : difficile de nier que tout cela a l’air
vrai, ça semble d’ailleurs l’être le plus souvent, et cet effet de réel vaut
bien quantité de scènes plus romanesques vues et revues ailleurs au cinéma.
Rencontres documente effectivement le sentiment amoureux comme on
ne l’avait pas encore tellement fait jusqu’à présent, d’un voyeurisme assumé
mais dénué de toute intention malsaine, empli d’une forme de tendresse pour ses
accidentels héros. Il se dégage au final une vraie poésie de cette somme de discussions
apparemment banales, belle plongée dans la précarité affective des êtres, et dans
nos solitudes.
Beaucoup de films n’en font pas
autant.
Note : 8,5 (Barème notation)
Pour vous faire un avis par vous-même : la bande annonce
A suivre : Tom à la ferme
Regarder un match sur son mini-Smartphone : un moyen comme un autre d'agrémenter un rendez-vous. |
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