dimanche 20 avril 2014

Tom à la ferme : il s'appelait Sarah



Si jeune mais déjà pressé de réinventer son cinéma, Xavier Dolan fait ses premiers pas dans un nouveau genre, le thriller, avec lequel il flirtait finalement depuis ses débuts. Exercice de style très académique voire même scolaire, Tom à la ferme est peut-être formellement son film le plus abouti à ce jour mais pas forcément le plus intéressant, le forme prenant ici souvent le pas sur une certaine finesse psychologique à laquelle il avait pu nous habituer par le passé.

La défaite de NKM à Paris ne passe décidément pas.


A bien y réfléchir, Xavier Dolan devait flirter depuis un moment avec l’idée de s’essayer un jour au thriller pur et simple : après tout son premier film ne s’appelait peut-être pas J’ai tué ma mère pour rien. Au-delà de la coïncidence, il y avait déjà dans toutes ses précédentes œuvres (Les amours imaginaires, Laurence Anyways) une attention extrême à la tension habitant ses personnages, régulièrement traversés par des pulsions qui les dépassent. En quête d’identité, de sa sexualité et d’une foule d’autres sentiments refoulés, le héros dolanien est en effet toujours rongé par quelque chose, cette obsession de la recherche de soi étant au cœur du cinéma du jeune Québécois.

C’est cette tension, sous ses manifestations physiques très primaires, que Xavier Dolan installe au cœur de ce Tom à la ferme, le prisme du thriller lui permettant de filmer au plus près la fébrilité presque névrotique qui semble hanter chacun ses personnages. Il s’agit en effet de montrer que le naufrage peut intervenir à tout instant, et c’est de ce point de vue assez réussi.

Il faut dire qu’en surdoué qu’il est, Xavier Dolan n’a aucun mal à faire sien le genre du thriller psychologique. De Hitchcock à David Fincher, il récite ainsi des classiques qu’il a parfaitement su ingérer puis mettre en pratique à son tour dans son propre univers, faisant de ce Tom à la ferme un exercice académique indéniablement réussi, et en tout cas tout à fait conforme aux canons esthétiques habituels des grands thrillers américains. Très investi par cette mission, peut-être par souci de légitimation artistique, Xavier Dolan égrène en effet tous les codes : attention aux bruits, nappes sonores venant souligner chaque tournant ou faux tournant dramatiques, jeu sur les symboles, … Tout y est à peu près de ce côté-là.

Visiblement obsédé par la volonté de montrer qu’il sait faire du thriller comme ses idoles, Xavier Dolan oublie malheureusement en route d’autres ingrédients qu’il avait pourtant l’habitude de dispenser avec talent dans ses précédents films. Sacrifiant au fond un peu le fond à la forme, il néglige quelque part la psychologie de ses personnages et plus généralement la finesse scénaristique de son œuvre, au final un peu prévisible et beaucoup plus banale que ne le laisse à penser ses effets de style.

Bâti sur une intrigue vite épuisée et tournant assez vite en rond, Tom à la ferme peine à ne pas lasser et perd progressivement en intérêt à mesure que la fin approche, ses derniers tournants dramatiques n’étant ni particulièrement crédibles ni vraiment très bien traités, impression hélas accentuée par un dénouement assez décevant, ou en tout cas un peu court.

A la différence de ses autres œuvres, Xavier Dolan semble au fond rester ici en surface des choses sans jamais vraiment s’attaquer aux nœuds dramatiques et psychologiques qu’il installe, comme prisonnier d’une ambition formelle qui annihilerait tout le reste. Certes pas désagréable ni dénué de qualités, Tom a la ferme est pourtant un film presque anodin, qui peine à trouver sa place dans la filmographie et l’univers de son auteur.

Son prochain et déjà très attendu film (Mommy) sortant au prochain festival de Cannes dans moins d’un mois, faut-il alors croire que ce Tom à la ferme ne serait qu’une petite escapade artistique mineure simplement destinée à l’occuper entre deux œuvres majeures ? Un procès d'intention peut-être un peu excessif mais la question mérite d'être posée.


Note : 7 (Barème notation)

Pour vous faire un avis par vous-même : la bande annonce



A suivre : Night Moves


"Cet endroit a l'air charmant les enfants, chérie on s'arrête pour pique-niquer ?"


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