samedi 12 avril 2014

Noé : Captain Earth


Ayant toujours besoin de gros noms pour appâter le cinéphile, Hollywood n’a pas hésité à donner 130 millions de budget à Darren Aronofsky pour s’essayer à la réécriture des Textes, mais s’est bien gardé de lui donner les moyens de faire un film à lui. Si le réalisateur de Black Swan a certes l’audace de prendre quelques libertés avec le récit biblique originel, c’est nettement moins le cas artistiquement parlant, faisant de son Noé un péplum moderne bien tiède ressemblant parfois plus à une production Marvel qu’autre chose, mais en tout cas pas à un film de Darren Aronofsky.

La prochaine mode automne / hiver à Paris promet beaucoup. Quelle audace.


Il est au fond difficile de reprocher à Darren Aronofsky de n’avoir pas su faire de ce Noé autre chose qu’un blockbuster de plus, les studios hollywoodiens n’ayant aucune raison de jeter des seaux entiers de dollars par les fenêtres si ce n’est pour avoir un retour minimal sur investissement, et donc des bons gros films à papa vu et revus mais taillés pour faire péter les chiffres au box-office.

Il reste à voir si Noé assurera à l’industrie cinématographique américaine assez de sous-sous pour en produire quelques autres à l’avenir, on a hâte, mais forcé de reconnaître que Darren Aronosfky, en plus d’être un sacré cinéaste, est aussi un type fiable puisqu’il livre avec Noé une commande sûrement conforme en tout lieu à ce que devaient attendre ses sympathiques employeurs, à savoir un film techniquement bien foutu et avec jusqu’à assez d’illusion de fond pour faire croire à une œuvre artistique potable. Pour le reste, il faudra repasser.

A part la mention « Directed by Darren Aronofsky » affichée à la fin du film en forme de clin d’œil, rien ne permet ici de deviner que l’on est dans l’univers du réalisateur de Requiem for a dream, celui-ci ayant bien pris soin d’aseptiser chaque recoin de son film pour ne pas faire de peine à des producteurs n’étant pas là pour encourager le cinéma d’art et d’essai. 

Techniquement maîtrisé, mais c’est bien le minimal syndical vu les moyens financiers mis à disposition, son film ne porte en effet aucune autre véritable ambition artistique, tout semblant fonctionner en pilote automatique comme si l’on avait filmé ce Noé à la suite d’un Ironman ou d’un Avengers en remplaçant les superhéros par ces étranges « Veilleurs » inventés pour l’occasion et qui sont certes peut-être l’unique innovation digne d’intérêt d’une œuvre qui n’innove à part ça sur pas grand-chose.

Réalisé comme à peu près tous les blockbusters américains sortant depuis 20 ans et étrangement fade même dans sa photographie (si l’on exclue certaines séquences new age sur la Création assez proches de ce que Disney avait pu faire dans le Roi Lion), Noé n’est pas non plus stimulé par les performances de ses acteurs, tous assez apathiques et pas vraiment investis par l’importance de leur tâche, Russell Crowe le premier d’ailleurs. Difficile certes de faire grand-chose d’autre au vu des dialogues proposés, énième déclinaison d’un catéchisme vaguement chrétien et surtout mièvre tournant de plus en plus en rond à force d’agiter des mots et des phrases sans en comprendre le sens, discours minimal auquel s’ajoute une forme de plaidoyer moralo-écologiste un peu ridicule qui fait plus sourire qu’autre chose.

Au-delà de ces limites, on ne peut par ailleurs pas s’empêcher que Noé est un film qui a mal choisi son époque, nombre de grands péplums historiques et bibliques devant finalement leur prestige avant tout au spectacle offert à des spectateurs qui n’étaient alors pas habitués à de tels déluges d’effets spéciaux, plus qu’à des grandes performances d’acteurs ou parti pris artistiques. A l’heure où l’on pourrait produire 50 Ben Hur par an et autant de Titanic par décennie, il est hélas bien normal que l’effet de surprise et de rareté ne joue plus aussi bien et que l’on attende de Noé autre chose qu’une comptine gigantesque par ses moyens financiers mais minuscule par sa portée symbolique. Là où les Marvels ont au moins l’avantage d’essayer de contrer l’effet de répétition par l’humour et le second degré, Noé reste lui désespérément sérieux sans avoir grand-chose à dire de très intéressant, sa réécriture du mythe biblique n’étant guère moins convenue que la version originale, et en tout cas un peu légère pour remplir plus de deux heures de séance.

Si Darren Aronofsky a encore assez de talent pour ne pas faire de ce Noé un complet désastre, reste que l’on a du mal à ne pas voir dans ce film de commande un immense gâchis de moyens financiers et de talents, plusieurs Black Swan étant sans doute possibles rien qu’avec le budget maquillage d’Emma Watson, dont la présence dans ce film n’a clairement aucun autre intérêt que de rameuter dans les salles tous les fans d’Harry Potter n’ayant pas fait le deuil d’Hermione. 

Espérons au moins que Darren Aronofsky s’est assez rempli les poches pour ne plus avoir à nous pondre ce genre de blockbusters dans les années à venir. Ça serait au moins ça de gagné.


Note : 6 (Barème notation)

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