jeudi 31 juillet 2014

Sunhi

Comédie dramatique de Hong Sang-Soo
Corée du Sud - 1h28
Avec Yu-Mi Jeong, Seon-Gyun Lee, Jae-Yeong Jeong, Sang-Jung Kim

Le prochain Woody Allen sera donc tourné à Séoul. Pour le reste, toujours des cols roulés et des vestes en velours rassurez-vous.

Présentation : Sunhi, jeune étudiante coréenne en cinéma plus si jeune que ça, veut aller continuer son cursus aux États-Unis pour repousser encore un peu plus le moment fatidique des grands choix. C'est l'occasion de faire le point sur sa drôle de vie, accompagnée par de vieux et nouveaux amis qui lui veulent un peu trop de bien.

En véritable métronome et cousin coréen caché de Woody Allen, Hong Sang-Soo nous revient chaque année avec une petite fable philosophique sans autre ambition apparente que le plaisir de filmer et de raconter quelques histoires, qui ont souvent tendance à se ressembler comme deux gouttes d'eau.

Chez Hong Sang-Soo, on trouve ainsi toujours des étudiants et des profs de fac un peu paumés, les plus perdus n'étant pas toujours ceux que l'on croit, qui ont l'étonnante capacité de passer l'essentiel de leur temps à picoler en se questionnant sans cesse sur le sens de leurs vies qui en semblent pourtant dépourvues, de sens. Entre amourettes ratées et études à rallonge, Hong Sang-Soo aime à nous perdre dans des récits un peu embrouillés ou flashbacks et rêveries changent constamment le centre de gravité de ses films, qui semblent au final souvent en être eux aussi dépourvus, ce qui n'est bien sûr qu'une illusion d'optique. Entre répétitions et éternels retours, son cinéma est une étrange apologie de la patience où tout finit par faire sens sans grands artifices ou effets dramatiques. Une certaine idée du minimalisme en quelque sorte.

Sans revenir sur la filmographie complète de Hong Sang-Soo, il n'est à première vue pas compliquer de placer ce Sunhi dans le sillage de son précédent film, Haewon et le hommes, sorti l'année dernière. Au-delà du fait que ces deux films ont été filmés coup sur coup en 2013, les similitudes sont ici assez évidentes pour que l'on comprenne que le réalisateur coréen a certainement conçu ces deux films comme un enchaînement naturel entre deux histoires qui se complètent. Dans ce film qui aurait complètement pu s'intituler Sunhi et les hommes, il est ainsi question comme l'année dernière d'une jeune fille indécise cherchant sa place et papillonnant au passage entre les hommes, tout cela dans tous les canons habituels déjà cités.

Il serait pourtant dommage de s'arrêter à ce parallèle évident mais pas complètement suffisant car, de manière intéressante, Sunhi est un film plus direct que Haewon et les hommes, prouvant par là que Hong Sang-Soo ne fait pas que radoter et sait aussi avancer d'un film à l'autre. Plus direct dans sa forme déjà car à la différence de ses précédents films, Hong Sang-Soo s'en tient ici à un récit complètement linéaire, débarrassé de tous les détours qu'il aime habituellement nous offrir en chemin. Ce faisant, il perd sans doute en valeur artistique ce qu'il gagne en clarté de discours, le message qu'il cherche ici à faire passer apparaissant aussi limpide que possible, parfaitement résumé dans la réplique finale : "les gens font ce qu'ils veulent, et les autres n'y peuvent rien".

Un message également bien servi par la surprenante structure d'un film où le personnage principal semble au final moins être son héroïne que l'image qu'elle inspire à ses trois soupirants, prisonniers d'une énigme irrésoluble. On regrettera d'ailleurs au passage la faute de traduction du distributeur français du film, la traduction littérale apparaissant au début du film (Notre Sunhi) étant de ce point de vue bien plus fidèle au sens du film. 

Faux jumeau de Haewon et les hommes, Sunhi se démarque aussi par une étonnante fin en forme de vaudeville d'une jolie légèreté, qui clôture très efficacement le film sur les quelques notes d'un thème musical lui aussi très plaisant (cf. bande-annonce), qui ponctuait déjà les précédents tournants du film. Comme souvent chez Hong Sang-Soo, ce Sunhi se révèle alors plus fin et subtil qu'il n'y paraissait d'abord, une qualité bien rare dans un cinéma contemporain qui préfère généralement s'épuiser dès les premières minutes pour s'essouffler ensuite. Un cinéma qui n'a sûrement d'ailleurs jamais autant ressemblé à celui d'Eric Rohmer, une de ses influences déclarées, dont on retrouve ici la joyeuse capacité à faire un film à partir de quelques scénettes filmées comme si de rien n'était et la toute-puissance des dialogues et des faces-à-faces.

Plus important que tout cela enfin, Hong Sang-Soo paraît toujours autant s'amuser derrière la caméra et ça se voit : c'est parfois aussi simple que ça le cinéma.

Note : 8 (Barème notation)

La bande-annonce


mardi 29 juillet 2014

New York Melody (Begin Again en VO)

Comédie dramatique - US (1h44)
Réalisé par John Carney
Avec Keira Knightley, Mark Ruffalo, Adam Levine, Hailee Steinfeld

Miley Cyrus n'en finit plus de casser les codes. Aujourd'hui : pantalon bouffant et duo avec un sextoy géant

Présentation : la toute mignonne Gretta (Keira Knightley), petite anglaise New-York, s'est faite larguer par son enfoiré de boyfriend devenu la star musicale du moment (Adam Levine de Maroon 5), et file une grosse déprime. Elle s'apprête à repartir au pays quand miracle, surgit Dan (Mark Ruffalo), producteur musical sur le retour qui tombe sous le charme d'une petite mélodie folk chantonnée dans un bar de Brooklyn ... Vous imaginez le reste.

John Carney, apparemment un très grand ado, voulait faire un mignon petit film qui se résume à cette petite phrase toute aussi mignonne : Can a song save your life ? (affichée dans le générique de début du film). Rien de très étonnant à ce que son film soit donc tout entier tourné vers la musique, quitte à oublier tout le reste, et notamment le cinéma.

New York Melody n'est ainsi pas le plus mauvais film de l'année mais clairement pas un chef d’œuvre non plus : en ne faisant rien d'autre qu'énumérer les vus et revus clichés de la romance new-yorkaise, John Carney signale clairement au téléspectateur qu'il est uniquement là pour la bande-son et qu'il ne faut pas s'attendre à des parti-pris dans la mise en scène ou à un quelconque risque artistique. 

Gretta, jeune et jolie englishwoman in New-York, se fait larguer par sa rockstar de boyfriend mais rencontre Dan, producteur musical sur le retour sombrant dans le whiskey, qui tombe amoureux de ses petites ballades sympas à la guitare et décide de tout faire pour la propulser vers le succès. Voilà, imaginez maintenant vous-même tous les lieux communs que l'on peut déballer avec ça et vous aurez déjà une bonne idée du film sans avoir besoin d'aller le voir. Ce faisant, vous raterez certes une scène de concert quasiment copiée-collée de Music and lyrics (2007, avec Hugh Grant et Drew Barrymore) mais cela vous épargnera aussi un happy end d'un nunuche cosmique comme j'hésitais à croire qu'on n'en faisait encore.

Mais bon oublions une seconde que ce film n'a quasiment aucun intérêt cinématographique, même si c'est quand même dommage vu qu'il est projeté dans des salles de cinéma, et parlons rapidement de la fameuse bande-son, objet de toute l'attention de John Carney.
 
Celle-ci a donc été faite sur mesure par Gregg Alexander, chanteur éphémère du groupe New Radicals (auteur entre autres de ça) et depuis auteur-compositeur pour les autres. Une bande-son originale composée sur l'occasion, vous me direz que c'est en soi plutôt une bonne nouvelle. C'est vrai, mais ne vous attendez quand même pas à des prouesses parce qu'on ne quitte pas vraiment les chemins très balisés de la bonne vieille pop à violons des familles. A l'image du reste du film en quelque sorte.

La bande-son entière est dispo ici, elle sera distribuée par le label d'Adam Levine de Maroon 5, qui joue donc dans le film. Les bons comptes font les bons amis.

Un petit morceau à écouter en particulier, qui ne casse pas des briques non plus j'avoue.

Note : 5,5 (Barème notation)

La bande-son


dimanche 27 juillet 2014

Boyhood

Drame de Richard Linklater
US - 2h45
Avec Ellar Coltrane, Patricia Arquette, Ethan Hawke, Lorelei Linklater

Les premières images du biopic de Lance Armstrong. Quel sale petit con, on le giflerait bien ...

Présentation : 12 ans durant (de 2002 à 2013), Richard Linklater a filmé l'apprentissage du jeune Mason (Ellar Coltrane) en temps réel, laissant à ses acteurs le temps de vieillir pour mieux parler de celui qui passe. Un de ses acteurs fétiches (Ethan Hawke) interprète ici le père de Mason, sa propre fille (Lorelei Linklater) interprétant elle sa sœur tandis que Patricia Arquette joue le rôle de sa mère.

Alors que l'on croie toujours que tout a déjà été inventé et ré-inventé plusieurs fois, forcé de constater que Richard Linklater a su créer un joli buzz avec ce projet réellement original, et qui pourrait constituer à première vue un des films les plus intéressants de ces derniers mois. Plus que l'idée elle-même d'accompagner le jeune Ellar Coltrane pendant douze ans, c'est ici la force de conviction artistique qui frappe : mûrir un projet pendant 12 ans sans jamais douter ou renoncer, voilà quelque chose qui n'est pas très commun dans la fast culture d’aujourd’hui où tout est généralement oublié 2 ou trois semaines après ...

Rien que pour cela, Boyhood est donc forcément un des événements de cette année 2014, et restera quoi qu'il arrive comme une tentative assez fascinante de faire coller au plus près possible le cinéma et la vie qui l'inspire, quand bien même ce projet serait complètement utopique ...

Passé cela, Il est hélas assez décevant de constater à quel point Richard Linklater ne semble pas avoir grand chose à dire en dehors de son idée de départ. Plutôt bien joué et correctement réalisé, son Boyhood est en effet terriblement scolaire voire même un peu plat, Linklater semblant avoir oublié de prendre le moindre risque une fois enclenchée sa caméra. Visiblement obsédé par l'idée de faire un film qui résumerait la substance même de ce qu'est l'apprentissage, et quelque part l'humanité toute entière, celui-ci s'interdit ainsi tout écart au point de rendre une copie désespérément convenue et prévisible, ou les idées reçues s'enchaînent les unes après les autres pour donner à son film des airs d'album photo. Un album photo qui ne s'arrange d'ailleurs pas avec le temps, car il y a bien une heure de trop dans ce film, et qui finit par sombrer dans un final pas loin d'être tout simplement niais, ou en tout cas à mille lieux de l'ambition de départ qui semblait marquer ce film. On comprend bien que le but était ici de parler de la vie et rien d'autre, mais la vie n'est malheureusement pas toujours si intéressante que ça et l'on finit par s'en souvenir en passant près de trois heures devant Boyhood ... Dommage d'en appeler au cinéma pour si peu.

Situé quelque part entre une rétro un peu ringuarde des années 2000 et un teen movie sans grand intérêt, ce Boyhood restera donc comme un autre OVNI dans la filmographie de Richard Linklater, qui en comportait cela dit déjà un certain paquet. Un an après le dernier volet de la trilogie des Before avec Julie Delpy et Ethan Hawke, d'un autre niveau en termes d'écriture et de finisse psychologique, on pourra quand même regretter la banalité extrême du propos, qui fait un peu tâche dans un film se targuant d'autant de profondeur.

Quitte à passer à côté de l'essentiel, on notera aussi que Richard Linklater à sciemment choisi de ne pas clôturer son film sur son avant-dernière scène assez réussie (joliment accompagnée de la chanson Hero de Family of the Year, vraiment bien choisie pour le coup), tout cela pour nous offrir un final vraiment très dispensable ... Quand ça ne veut pas ...

J'ajoute pour finir que ce film a d'excellentes critiques à peu près partout, il est donc tout à fait probable que vous soyez en fait tout à fait conquis. Cette critique ne vous aura dans ce cas servi à rien du tout, mais ça n'était pas sa fonction.

Note : 6 (Barème notation)

La bande-annonce


dimanche 20 juillet 2014

L'homme qu'on aimait trop

Drame d'André Téchiné
France - 1h56
Avec Guillaume Canet, Adèle Haenel, Catherine Deneuve

On sous-estime les drames familiaux causés par les conflits internes à l'UMP ... Certains traumatismes resteront ouverts.

Présentation : 5 ans après La fille du RER, André Téchiné adapte encore une histoire vraie avec la fameuse affaire du meurtre d'Agnès Le Roux, encore en plein centre de l'actualité il y a quelques mois. L'affaire : Maurice Agnelet (Guillaume Canet), jeune et brillant avocat, rencontre Agnès Le Roux (Adèle Haenel), jeune héritière d'une très riche famille niçoise. Une histoire s'installe entre eux, sous l'oeil méfiant et réprobateur de Renée Le Roux (Catherine Deneuve), la mère d'Agnès. 

C'est donc la deuxième fois en cinq ans qu'André Téchiné propose un film inspiré d'une histoire vraie. S'il est à noter que ces deux films sont tous deux des adaptions libres revendiquant leur statut de fiction inspirée de la réalité (mouais ... un peu facile), la coïncidence est tout de même curieuse. Deux premières explications :
  • Un fait-divers, c'est encore le meilleur moyen de faire la promotion d'un film, surtout quand la sortie arrive à peine deux mois après la fin du dernier procès de Maurice Agnelet qui a été largement couvert dans les médias. Pas inutile quand l'on s'appelle André Téchiné et que l'on n'intéresse plus grand monde en dehors des critiques spécialisés et des plus de 50 ans.
  • La filmographie d'André Téchiné a finalement toujours flirté avec le roman policier, bon nombre de ses films étant montés comme de véritables polars psychologiques qui interrogent constamment le statut de la vérité et savent subtilement jouer avec toutes les facettes de l'ambiguïté. Cette rencontre de Téchiné et de Faites entrer l'accusé est dans cette optique presque naturelle, les affaires criminelles représentant un matériau parfait pour son cinéma d'investigation.
Si l'on reste sur la piste du polar, L'homme qu'on aimait trop partage d'ailleurs avec la filmographie de Téchiné une autre caractéristique bien particulière : celle de poser systématiquement plus de questions qu'il n'apporte de réponses. Aller voir un Téchiné est en effet toujours une expérience à part : difficile de complètement réaliser ce que l'on vient de voir en sortant, voire même de vraiment savoir si l'on a assisté à quelque chose d'intéressant ou pas.

L'intérêt du cinéma de Téchiné, qui commence à faire son âge il faut bien le dire, est peut-être finalement là-dedans, dans une étonnante capacité à se remettre en question en permanence et à cultiver l'ambiguïté jusqu'au flou artistique. Au lieu d'une critique, voici donc plusieurs pistes à creuser qui me sont venues à l'esprit :
  • La façon si particulière qu'a Téchiné de diriger ses acteurs, marionnettes semblant contraintes de s'exécuter à la virgule près sans aucune part à l'improvisation, est pour une fois assez cohérente avec le cadre très bourgeois de l'intrigue, mais frôle parfois aussi encore plus avec la caricature. Le cinéma de Téchiné n'est décidément pas un grand espace de liberté pour les acteurs.
  • Au rayon des prestations, difficile de ne pas saluer celle d'Adèle Haenel qui semble justement la plus à même de sortir un peu du cadre étroit lui étant imposé. Énorme intensité de jeu pour accompagner la descente aux enfers de son personnage. Ses scènes de pleurs hystériques rappellent une autre Adèle d'ailleurs.
  • Si Catherine Deneuve fait son job, pas grand chose à dire de ce côté là, le choix de Guillaume Canet au casting était vraiment osé et n'est qu'à moitié convaincant, la capacité qu'a eu Téchiné par le passé à sublimer certains acteurs que l'on n'attendait pas là (Michel Blanc, Roshdy Zem, Nicolas Duvauchelle, ...) n'étant pas vraiment au rendez-vous. Si l'on sent certes un réel effort de Guillaume Canet pour rentrer dans son personnage (il a notamment rencontré Maurice Agnelet), il ne parvient pas complètement à casser l'armure de gendre idéal qui lui colle à la peau.
  • Le portrait pas totalement réussi de Maurice Agnelet force d'ailleurs à s'interroger sur l'identité même du héros du film : Est-ce Agnelet ou plutôt Agnès Le Roux comme le suggère la dernière séquence ? Ou même sa mère compte-tenu du fait que le film est librement adapté du libre qu'elle a elle-même coécrit ? Sans vraie réponse à cette interrogation, on ne sait parfois plus trop dans quoi l'on est.
  • Tout cela étant dit, la qualité de mise en scène de Téchiné compte toujours parmi ce qui se fait de mieux dans le cinéma d'aujourd'hui. Peu de réalisateurs maîtrisent aussi parfaitement chaque mouvement de caméra.
  • Autre vraie qualité du film : la volonté de ne pas tricher avec le temps qui passe et de vieillir véritablement Guillaume Canet et Catherine Deneuve pour les dernières scènes du film qui se déroulent 30 ans après, autrement que par quelques cheveux blancs et deux/trois rides. L'effet est assez saisissant et donne d'autant plus de force à la conclusion du film.
  • Dans un film assez lourd, à noter une scène d'une étonnante légèreté où Catherine Deneuve entonne dans la voiture la version italienne de Stand By Me. Un procédé en apparence un peu grossier mais qui peut donner de vrais bons moments de cinéma, comme dans le dernier film de Valeria Bruni Tedeschi avec Rita Pavone ou celui des Frères Dardenne avec Petula Clark.
  • Enfin, il faut quand même saluer la volonté qu'a eu Téchiné de s'en tenir à une fin qui ne privilégie pas complètement une hypothèse ou l'autre, même si les derniers développements judiciaires orientent quand même le spectateur dans un certain sens, mais c'est là plus un problème de coïncidences de dates ... Un choix d'autant plus courageux artistiquement parlant qu'il a forcément du rencontrer Renée Le Roux à une étape ou l'autre de son projet, qui a elle évidemment une idée bien arrêtée sur le sujet. 
  • Ah et la bande-son est signée Benjamin Biolay. Je ne sais pas vraiment comment analyser cette information, je vous laisse vous démerder ...
Voilà je vais m'arrêter là sinon je vais vous raconter tout le film ...

Un film à recommander donc aux inconditionnels de Téchiné et/ou de Faites entrer l'accusé, et à ceux qui aiment le cinéma tout court même quand tout n'est pas parfait.

Note : 7,5 (Barème notation)

La bande-annonce


vendredi 18 juillet 2014

Jimmy's Hall

Drame de Ken Loach
Grande-Bretagne - 1h49
Avec Barry Ward, Simone Kirby, Andrew Scott, Jim Norton

Un étrange spin-off de The Office où Jim a toujours un bureau mais un nouveau boss moustachu encore plus inquiétant que Michael Scott

(Bref aparté après cette petite pause pour vous dire que j'ouvre ici un très court cycle "Vieux débris" qui avec Ken Loach et André Téchiné s'attardera sur de vieux cinéastes bien passés de mode et qui n'intéressent plus que quelques critiques parisiens et d'irréductibles intellectuels idéalistes, souvent parisiens aussi. Des chroniques qui risquent donc de toucher un très large public, belle idée pour un retour)

Présentation : Jimmy (Barry Ward), esprit libre et militant communiste, revient dans son petit village irlandais après 10 ans d'un exil forcé en Amérique pour avoir mis des bâtons dans les roues de l'establishment et du curé local. Supplié par une jeunesse frustrée par le peu d'opportunités se présentant à elle, il rouvre la petite MJC qui lui avait causé tant de torts 10 ans auparavant, où l'on danse le jazz et apprend la poésie irlandaise tout en se passant des tracts communistes sous la table. Bizarrement, les choses vont encore se compliquer pour lui ... Ah, et il retrouve aussi sa chère Oonagh (Simone Kirby), abandonnée 10 ans avant et qui ne l'a bien sûr jamais oublié.

Si Ken Loach avait surpris son monde avec l’étonnamment léger La part des anges sorti en 2012, ce Jimmy's Hall marque au contraire un retour à l'essence même de son cinéma : la lutte, la radicalité politique, les héros sans peur et sans reproches, ... Difficile d'ailleurs de ne pas tout de suite penser à une forme de suite du récent Le vent se lève, qui avait considérablement relancé l'intérêt du microcosme pour ce vieux gauchiste de Ken Loach. L'Histoire avec un grand H, la lutte du peuple irlandais, la lutte tout court, ... on retrouve en effet pas mal d'éléments semés en chemin laissant à penser que le parallèle n'est pas innocent.

C'est en partie vrai, notamment au niveau de l'esthétique, extrêmement classique mais donnant des accents finalement très hollywoodiens au film, rappelant presque la récente apologie lincolnienne de Spielberg dans ses constants jeux d'ombres et lumières (à noter ici la très belle scène de découverte du fameux hall, où la lumière se fait quasi religieuse). C'est en revanche un peu moins vrai sur le fond, l'habituel schématisme de Ken Loach prenant ici des proportions parfois un peu gênantes, notamment à travers des dialogues assez caricaturaux pas toujours très inspirés. A force de rechercher le lyrisme à tout prix, Ken Loach réussit bien sûr parfois à émouvoir mais alourdit aussi un film qui aurait sans doute gagné à se faire un peu plus léger, car finalement bien plus anecdotique que pouvait l'être Le vent se lève.

Ce manichéisme, qui n'est peut-être rien d'autre qu'un messianisme laïc, est d'ailleurs la conséquence logique de la volonté même de Ken Loach de mettre au centre de son film la belle idée que communistes, catholiques et hommes de bonne volonté de tous les horizons n'auraient qu'à se réunir dans l'amour de leur prochain, le radicalisme politique des uns n'étant finalement qu'un lointain écho de la supposée vocation sociale de l’Église. Cette réconciliation du spirituel et du temporel, aussi louable soit-elle peut-être d'un point de vue moral, ne convainc pas complètement cinématographiquement et accouche d'un film finalement bien moins radical que ce à quoi Ken Loach nous avait habitué.

Faute d'un lyrisme complètement réussi, reste tout de même dans le fond un assez beau film sur l'engagement dans ce qu'il a de plus pur et de plus personnel, qui complète agréablement une filmographie toute entière consacrée à la lutte de l'homme pour sa dignité et sa liberté.

Comme je ne me voyais pas finir sur cette formule incroyablement solennelle, quelques autres pensées :
  • Difficile de croire que le grand discours de Jimmy sur les racines de la crise de 1929, la misère qu'elle a occasionné et la nécessaire lucidité face à ses responsables n'est pas une évidente allusion, pas forcément très subtile, au contexte social actuel. Vas-y Ken, tu les auras tous ces salauds.
  • Très frustrant que la musique ne joue pas un plus grand rôle dans ce film, où les scènes de danse comptent pourtant presque toutes parmi les moments forts. Le thème de l'importation du jazz américain des années folles dans la campagne irlandaise était pourtant une fantastique idée qui aurait méritée d'être un peu plus exploitée.
  • Les producteurs du film avaient à l'origine décidé de nommer la version française La légende de Jimmy, mais ont du y renoncer par peur de n'attirer que n'attirer des fans de Diane Tell, de Michel Berger et de mauvaises comédies musicales. Sans doute la décision qui s'imposait.

Note : 7 (Barème notation)

La bande-annonce



dimanche 6 juillet 2014

L'ex de ma vie

Comédie romantique - France (1h20)
Réalisé par Dorothée Sebbagh
Avec Géraline Nakache, Kim Rossi Stuart

La dernière chronique de SLETO était vraiment attendue avec la dernière impatience ... Heureusement, Géraldine Nakache a l'appli iPhone

Oui, pour ma première chronique depuis un petit moment, je n'ai pas eu peur de m'attaquer à un gros morceau. A SLETO, on ne se cache pas.

L'ex de ma vie donc.

Vu le bouche-à-oreilles catastrophique de ce film (je ne me rappelle pas avoir récemment vu une si mauvaise note moyenne des spectateurs sur Allociné pour une comédie dite "populaire"), je ne m'attendais vraiment pas à grand chose à part une mignonne carte postale un peu coconne à l'accent italien. Pas de publicité mensongère de ce point vue là puisque effectivement L'ex de ma vie n'est rien d'autre que ça, et ne semble même pas vraiment essayer d'éviter le naufrage, comme si cette sympathique médiocrité cinématographique était un aboutissement en soi. Bref ça n'a pas grand intérêt, ça ne vaut certainement pas le prix d'une place de cinéma et comme souvent ça cherche à cacher sa misère derrière quelques seconds rôles vaguement marrants (Catherine Jacob dans le rôle de ... Catherine Jacob, et Sophie Cattani dans celui maintenant un poil vu et revu de la pote délurée).

Au-delà de ce constat banal, on assiste quand même à un enterrement de première classe pour Kim Rossi Stuart, dont la présence dans ce film est un erreur monumentale de la première à la dernière seconde. J'ai peine à me souvenir d'un film dans lequel l'acteur principal semble à ce point perdu dans une langue qui n'est pas la sienne, à tel point qu'on a parfois l'impression que Géraldine Nakache et notre ami transalpin n'ont pas tourné ensemble les scènes et que tout ça a été trafiqué après ... Étrange décision de casting donc que de faire tourner quelqu'un qui ne comprend visiblement pas un mot du texte qu'on lui a filé, et est obligé de se rattraper en multipliant les grimaces jusqu'au ridicule. Triste quand on pense à la pourtant riche et longue histoire commune du cinéma italien et français, qui feraient mieux tous deux d'oublier ce sombre épisode comme on oublie une soirée trop arrosée. Ou même un coma éthylique vu le désastre des 5 dernières minutes du film, qui laisseraient à penser que Dorothée Sebbagh a encore une marge de progression assez importante dans ce métier.

Sinon les auditeurs de France Inter, et notamment de l'émission On va tous y passer, pourront apprécier des micro-apparitions de Norah Hamzawi et Nicole Ferroni. C'est déjà ça.

Note : 2 (Barème notation)

La bande-annonce


mardi 1 juillet 2014

Cette semaine sur mes écrans : 2-8 juillet 2014

Avec un peu de retard, quelques films à tenter cette semaine

Justin Timberlake a complètement renouvelé son répertoire à l'occasion de sa dernière tournée US

Jimmy's Hall
Drame de Ken Loach
1h49

Un an après la sortie de son documentaire politique L'esprit de 45 et deux ans après le rafraichissant La Part des anges, l'étonnante vitalité du cinéma de Ken Loach (78 ans quand même) semble se confirmer avec ce prometteur Jimmy's Hall. Un peu dans la veine du Vent se lève par son caractère historique et la lutte au centre du scénario, le dernier Ken Loach n'a pas pour autant l'air de se complaire dans le tragique et dégage une certaine liberté assez entraînante. Un autre film à part dans une filmographie qui l'est tout autant.


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Palerme
Comédie dramatique italienne d'Emma Dante
1h32

Un premier film intriguant qui peut autant promettre un long moment d'ennui qu'un étonnant moment de cinéma. A tenter si vous avez la foi.


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Match retour
Documentaire de Corneliu Porumboiu
1h37

Un bonne dose de foi vous sera aussi utile si vous voulez tenter le coup pour Match retour. Concept : pendant une heure et demie, un père et un fils discutent pendant la retransmission d'un vieux match du Steaua contre le Dinamo Bucarest. Oui, c'est un concept. Allez, un peu de folie.
 

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Bonnes séances