Avec Colin Firth et Emma Stone
Les férias du Sud de la France s'embourgeoisent de plus en plus ... |
Woody Allen qui retrouve
l’Europe, ça n’était à première vue pas la nouvelle de l’année. Un an après avoir reconquis en partie le
public et la critique avec Blue Jasmine,
on se serait ainsi bien passé d’une nouvelle escapade française dans la filmo
de Woody, qui n’avait pas été loin de toucher le fond avec To Rome with Love, dernière étape très dispensable de sa grande
tournée européenne. Ce qui frappe pourtant dès les premiers instants dans Magic in the moonlight, c’est que Woody
Allen n’est pas revenu sur notre Vieux Continent pour nous refaire le pénible
coup de la carte postale, procédé de plus en plus périmé où le superficiel des
dorures et du folklore pour touristes semblait prendre le pas sur
l’intelligence des études de mœurs.
Malgré la beauté des cadres et
des lumières, Magic in the moonlight
n’est ainsi pas la laborieuse reconstitution historique des années folles sous
le soleil de Provence que l’on aurait pu attendre de la part d’un réalisateur
qui n’avait retenu de Paris que Versailles et l’île Saint-Louis pour son très
schématique Midnight in Paris. Finis
aussi les castings à rallonge de To Rome
with Love et You Will Meet a Tall
Dark Stranger où il semblait chercher obstinément à se raccrocher à l’air
du temps en s’affichant avec tous les derniers acteurs à la mode, d’où des
films choraux sans grande colonne vertébrale.
Au lieu de cela, Magic in the moonlight est un film
certes pas très neuf, on y retrouve les éternelles interrogations
existentielles de l’enfant de Brooklyn, mais d’une simplicité et d’une
efficacité assez redoutable. Abandonnant nombre d’artifices, Woody Allen
revient à ce qu’il sait faire le mieux : un scénario simple et bien
dialogué, des personnages parfaitement stéréotypés mais tout aussi bien
caractérisés et un fil rouge philosophique donnant de la cohérence au tout.
Surtout, il retrouve la malice
que l’on peinait de plus en plus à discerner dans ses dernières productions,
une intelligence bienvenue qui place ce Magic
in the moonlight dans la grande tradition des screwball comedy US où le vieux mâle imbu de lui-même finit
toujours par se faire donner la leçon par la jeune ingénue, ici interprétés par
Colin Firth et Emma Stone. Mais s’il y a beaucoup de Lubitsch ou de Wilder dans
cette charmante fable métaphysico-romantique, tout le talent de Woody Allen est
aussi de faire du neuf avec du vieux.
Rien n’est en effet
révolutionnaire ici : éternel cadre bourgeois, éternelle ritournelle jazzy
en thème musical, éternel hésitation existentielle entre le pessimisme
matérialiste le plus total et la crédulité spirituelle la plus absolue, et bien
sûr éternelle romance de deux êtres que tout oppose pourtant … Là-dedans, tout
est donc affaire de dosage et d’intelligence dans la façon d’amener le cours
des choses, que l’on devine plus ou moins dès le début. Magic in the moonlight tient alors tout entier dans la théâtralité
de ses situations et l’acuité des face-à-face entre les deux héros, sublimée à la fin du film dans une géniale et loufoque
demande en mariage qui est sans doute l’un des meilleures scènes que nous ait
offert Woody Allen depuis un paquet de temps.
Au rang des surprises on
retiendra par contre le vrai tempo comique d’un Colin Firth que l’on
n’attendait sûrement pas aussi efficace dans ce rôle de magicien dépressif
obsédé par la raison que Woody Allen semble avoir pris un plaisir particulier à
écrire, double évident de lui-même. Étonnant d’ailleurs que ces deux-là aient
mis si longtemps à se trouver tant Colin Firth semblé né pour jouer du Woody
Allen avec son flegme à l’anglaise et sa
capacité à s’auto-caricaturer. On appréciera aussi le choix d’Emma Stone tant
Woody Allen semblait galérer depuis des années pour trouver une actrice comique
digne de ce nom, au point d’avoir eu l’idée folle de faire jouer Scarlett
Johansson dans des comédies … Un casting dans l’ensemble resserré mais sans
faute de goût (à noter le trop rare Hamish Linklater en playboy amoureux
transi), ce qui résume bien le succès d’un film qui s’en tient à l’essentiel.
La bande annonce