dimanche 2 mars 2014

The Grand Budapest Hotel : pop tarte



Face au succès, deux solutions s’offrent toujours aux réalisateurs chevronnés : s’enfermer dans leur bulle quitte à se déconnecter de tout le reste ou tenter plus ou moins brillamment de se renouveler. La notion de risque ayant apparemment déserté même les contrées du cinéma d’auteur, Wes Anderson choisit donc logiquement avec The Grand Budapest Hotel de donner dans la caricature de lui-même avec une farce visuellement irréprochable mais désespérément vaine.

Cette image est cocasse

Il y a belle lurette que l’on avait compris que Wes Anderson ne s’intéressait pas vraiment à ses récits et à ses personnages mais avant tout à ses gags visuels cocasses et à ses plans agencés au millimètre. Obsédé par l’esthétique du pop art quitte à parfois tomber dans la pure contemplation, il parvenait pourtant jusque-là encore vaguement à entretenir l’illusion d’une profondeur artistique en balançant quelques éléments dramatiques et psychologiques par-ci par-là pour que ses spectateurs aient envie de retenter le coup film après film, sans avoir l’impression d’assister perpétuellement au même déballage d’effets de style.

Les cris au génie, dont on ne dit jamais assez à quel point ils peuvent saboter des œuvres et des carrières, auront malheureusement eu raison de cette décence et ayant bien compris que le monde du cinéma est maintenant prêt à l’acclamer pendant vingt ans sans même prendre la peine de regarder ses films Wes Anderson a décidé d’arrêter de s’emmerder et de se lâcher.

Passé un court final de 5 minutes vaguement profond uniquement là pour rattraper une heure et demie de cascades burlesques sans queue ni tête, The Grand Budapest n’est ainsi rien d’autre qu’un long exercice d’autosatisfaction formel qui ne dit à peu près rien sur rien. En apparence foisonnant de liberté, l’univers de Wes Anderson montre ainsi en réalité son véritable visage : celui d’une dictature du dandysme kitch uniquement pensée par et pour les fantasmes de Wes Anderson et où le spectateur n’est jamais invité à faire autre chose que s’esclaffer bêtement à chaque fois que lui sont présentés d’immenses panneaux de signalisation indiquant qu’il est maintenant temps de rire, sans le moindre espoir de s’évader par la rêverie ou la réflexion de cet univers pesant où absolument tout, même la prison ou la guerre, doit être revu et corrigé à travers le prisme du rose bonbon ou des pancartes marrantes.

Noyant alors son spectateur dans un océan de trivialité où plus rien ne compte sauf la jouissance de la forme pour la forme, Wes Anderson peut ainsi faire rire le bourgeois du haut de sa tour d’esthète en lui offrant un produit sophistiqué seulement en apparence, où les ressorts comiques sont en réalité aussi prévisibles, plats et bon marché qu’une comédie populaire premier prix. D’un dandysme assez puéril et stylisé jusqu’à l’écœurement, son Grand Budapest Hotel est d’ailleurs au final bien peu inventif quand l’on a compris qu’une grande partie de son potentiel comique, en dehors des éternels gags de caméras, va fonctionner grâce à deux fils rouges usés jusqu’à la corde : un grand déballage de stars permettant au spectateur de se sentir important en voyant défiler devant ses yeux tant de grandes personnes (« et mais c’est Léa Seydoux là non ? » « Oh et là c’est Bill Murray non ? ») et une accumulation ridicule de citations en français pour bien faire comprendre que l’on est entre gens bien éduqués.

 Négligeant aussi bien sa petite histoire, sans grand intérêt puisque ses personnages ne sont que des automates là pour servir le burlesque, que la grande Histoire, dont Wes Anderson se fout très clairement, The Grand Budapest est au fond un film aussi vain qu’un peu détestable tout de même, toute cette profusion de kitch et de second degré permanent qui n’en est donc plus semblant s’agiter frénétiquement comme autant de clins d’œil grossiers à un public qu’il cherche à convaincre qu’il existe quelque part une classe d’hommes tellement raffinés et subtils qu’ils pourraient à peu près tout se permettre, même faire des films n’ayant d’autre intérêt que contenter leur propres fantasmes.
Profondément réactionnaire comme le prouve d’ailleurs l’aveu final de son narrateur, forme d’honnêteté qu’on peut au moins reconnaître à Wes Anderson, The Grand Budapest Hotel est donc la triste preuve que la plupart de vous n’avez aucun goût et ça me désole profondément, non pas pour vous car je me fous pas mal de vos problèmes mais parce que l’industrie du cinéma doit s’adapter à vos lamentables standards et que ça me contraint à aller voir beaucoup plus de films pénibles que je ne devrais.

Fuck you Wes Anderson, tu m’as gâché mon dimanche.


Note : 4,5 (Barème notation)

Pour vous faire un avis par vous-même : la bande annonce


A suivre : Arrête ou je continue


Cette image est très cocasse

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