Après Gravity, Hollywood nous montre une nouvelle fois que tout n’est
peut-être pas encore totalement pourri au royaume des blockbusters. En donnant
l’occasion à Tom Hanks de renouer avec un genre qui a autant marqué sa carrière
qu’il l’a lui-même marqué, Paul
Greengrass réussit à rendre véritablement vraie son histoire l’étant déjà, une performance pas si fréquente dans le
business de l’adaptation de faits divers.
Il y a presque vingt ans, Ron
Howard offrait à Tom Hanks un de ses plus beaux rôles dans le drame spatial Appolo 13 (1995), troisième étape d’une trilogie
personnelle hallucinante l’ayant vu décrocher deux oscars consécutifs pour ses
rôles dans Philadelphia (1993) et Forrest Gump (1994). Apogée d’une époque
où les studios hollywoodiens n’avaient pas encore décidé de nous forcer le
couteau sous la gorge à choisir entre qualité et divertissement, Appolo 13 était un film comme seule l’Amérique
en est capable, ne serait-ce que pour de vulgaires raisons financières.
Parfaitement réalisé et scénarisé, ne cherchant pas à délivrer un quelconque
message subliminal pseudo-philosophique et ne virant pas à la revue de stars
malgré un casting plus que respectable, le film de Ron Howard se contentait d’être
ce pour quoi il avait été conçu : se mettre au service de son histoire et
de ses personnages, sobrement mais avec une précision chirurgicale.
Sans doute jugé trop terne et
très peu pratique en termes de placements produits, ce genre semble
malheureusement être progressivement tombé en désuétude, le déluge d’effets
spéciaux en 5D des années 2000 et 2010 ayant apparemment mobilisé trop de
ressources financières pour pouvoir encore engager des scénaristes et
réalisateurs capables de produire autre chose que des clips vidéos de deux
heures et demie. L’histoire étant heureusement parfois chaotique, quelques
rescapés parviennent tout de même de temps en temps à parvenir jusqu’à nos
écrans, sûrement par le biais de stratagèmes géniaux présentant aux gros
bonnets d’Hollywood des films convenables sous le camouflage de produits
dérivés de la dernière trilogie fantastique pour post-adolescents en manque d’émotions
fortes. Courrez donc dans les salles voir Captain
Philips, Radio Londres est avec vous.
Cette digression mise à part, Captain Philips
est donc réalisé de main de maître par Paul Greengrass, le réalisateur de la
Trilogie Jason Bourne, dont la mise
en scène est assez experte pour se fondre totalement dans le moule du récit, ce
qui est peut-être la définition même d’une bonne mise en scène. Sa façon de
filmer caméra au poing, suivant fébrilement les personnages comme s’ils étaient
filmés par un vidéaste amateur, apporte
ainsi à ses scènes une touche chaotique complètement en accord avec l’histoire
défilant à l’écran, communiquant du même coup parfaitement aux spectateurs l’angoisse
permanente vécue par les personnages.
Au-delà de cette réussite
technique indéniable, Captain Philips
a aussi l’immense mérite d’explorer les deux faces du miroir en ajoutant l’ambiguë
point de vue des agresseurs à celui plus attendu des agressés. Un parti-pris
pas si fréquent dans un cinéma américain représentant généralement les ennemis
de l’Amérique comme des djihadistes fous à lier ou des néo-soviétiques le
couteau entre les dents uniquement motivés par l’envie de faire grimper les
cours du pétrole pour empêcher à la classe américaine de rouler en jeep.
Il fallait pour cela prendre le
risque de ne pas donner complètement les rênes du film à Tom Hanks, laissant à
un illustre inconnu (Barkhad Abdi) la
délicate tâche d’incarner l’Autre, parfait miroir du capitaine Philips
oscillant constamment entre rage et doutes. Au moins autant que sa mise en
scène, c’est bien cette dualité de point de vue qui fait de Captain Philips un film captivant, à
mille lieux du prototype de film d’action tapageur qui aurait pu émerger du
présupposé de départ.
Refusant de compter les points
entre les deux camps, il sait s’effacer devant son drame, donnant à voir le
terrible engrenage des événements pouvant conduire jusqu’à la mort sans moraliser
son discours. Cette absence de leçon finale pourra certes déplaire aux esthètes
du sens mais donne à Captain Philips
une conclusion d’une sobriété rare, en tout cas dans le cinéma hollywoodien,
laissant ainsi toute liberté au spectateur de tirer les leçons qu’il souhaite.
A l’heure où il est moins
important d’avoir des idées intéressantes que d’en formuler à tout prix, c’est
une bouffée d’air certes éphémère mais appréciable.
A part ça, Tom Hanks est le plus
grand acteur du monde.
Note : 8 (Barème notation)
Pour vous faire un avis par
vous-même : la bande annonce
A suivre : La maison à la
tourelle
Pendant ce temps, Tom Hanks est sincèrement
touché par ma déclaration d’amour
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