dimanche 24 novembre 2013

Captain Philips : Houston, on a encore un problème



Après Gravity, Hollywood nous montre une nouvelle fois que tout n’est peut-être pas encore totalement pourri au royaume des blockbusters. En donnant l’occasion à Tom Hanks de renouer avec un genre qui a autant marqué sa carrière qu’il  l’a lui-même marqué, Paul Greengrass réussit à rendre véritablement vraie son histoire l’étant déjà,  une performance pas si fréquente dans le business de l’adaptation de faits divers.   
Il y a presque vingt ans, Ron Howard offrait à Tom Hanks un de ses plus beaux rôles dans le drame spatial Appolo 13  (1995), troisième étape d’une trilogie personnelle hallucinante l’ayant vu décrocher deux oscars consécutifs pour ses rôles dans Philadelphia (1993) et Forrest Gump (1994). Apogée d’une époque où les studios hollywoodiens n’avaient pas encore décidé de nous forcer le couteau sous la gorge à choisir entre qualité et divertissement, Appolo 13 était un film comme seule l’Amérique en est capable, ne serait-ce que pour de vulgaires raisons financières. Parfaitement réalisé et scénarisé, ne cherchant pas à délivrer un quelconque message subliminal pseudo-philosophique et ne virant pas à la revue de stars malgré un casting plus que respectable, le film de Ron Howard se contentait d’être ce pour quoi il avait été conçu : se mettre au service de son histoire et de ses personnages, sobrement mais avec une précision chirurgicale. 

Sans doute jugé trop terne et très peu pratique en termes de placements produits, ce genre semble malheureusement être progressivement tombé en désuétude, le déluge d’effets spéciaux en 5D des années 2000 et 2010 ayant apparemment mobilisé trop de ressources financières pour pouvoir encore engager des scénaristes et réalisateurs capables de produire autre chose que des clips vidéos de deux heures et demie. L’histoire étant heureusement parfois chaotique, quelques rescapés parviennent tout de même de temps en temps à parvenir jusqu’à nos écrans, sûrement par le biais de stratagèmes géniaux présentant aux gros bonnets d’Hollywood des films convenables sous le camouflage de produits dérivés de la dernière trilogie fantastique pour post-adolescents en manque d’émotions fortes. Courrez donc dans les salles voir Captain Philips, Radio Londres est avec vous.

Cette digression mise à part, Captain Philips est donc réalisé de main de maître par Paul Greengrass, le réalisateur de la Trilogie Jason Bourne, dont la mise en scène est assez experte pour se fondre totalement dans le moule du récit, ce qui est peut-être la définition même d’une bonne mise en scène. Sa façon de filmer caméra au poing, suivant fébrilement les personnages comme s’ils étaient filmés par un vidéaste amateur,  apporte ainsi à ses scènes une touche chaotique complètement en accord avec l’histoire défilant à l’écran, communiquant du même coup parfaitement aux spectateurs l’angoisse permanente vécue par les personnages. 

Au-delà de cette réussite technique indéniable, Captain Philips a aussi l’immense mérite d’explorer les deux faces du miroir en ajoutant l’ambiguë point de vue des agresseurs à celui plus attendu des agressés. Un parti-pris pas si fréquent dans un cinéma américain représentant généralement les ennemis de l’Amérique comme des djihadistes fous à lier ou des néo-soviétiques le couteau entre les dents uniquement motivés par l’envie de faire grimper les cours du pétrole pour empêcher à la classe américaine de rouler en jeep. 

Il fallait pour cela prendre le risque de ne pas donner complètement les rênes du film à Tom Hanks, laissant à un illustre inconnu (Barkhad Abdi) la délicate tâche d’incarner l’Autre, parfait miroir du capitaine Philips oscillant constamment entre rage et doutes. Au moins autant que sa mise en scène, c’est bien cette dualité de point de vue qui fait de Captain Philips un film captivant, à mille lieux du prototype de film d’action tapageur qui aurait pu émerger du présupposé de départ. 

Refusant de compter les points entre les deux camps, il sait s’effacer devant son drame, donnant à voir le terrible engrenage des événements pouvant conduire jusqu’à la mort sans moraliser son discours. Cette absence de leçon finale pourra certes déplaire aux esthètes du sens mais donne à Captain Philips une conclusion d’une sobriété rare, en tout cas dans le cinéma hollywoodien, laissant ainsi toute liberté au spectateur de tirer les leçons qu’il souhaite. 

A l’heure où il est moins important d’avoir des idées intéressantes que d’en formuler à tout prix, c’est une bouffée d’air certes éphémère mais appréciable.

A part ça, Tom Hanks est le plus grand acteur du monde.

Note : 8 (Barème notation)

Pour vous faire un avis par vous-même : la bande annonce

 
A suivre : La maison à la tourelle

Pendant ce temps, Tom Hanks est sincèrement touché par ma déclaration d’amour


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