vendredi 29 novembre 2013

The Immigrant : tableau sur papier glacé



Après le très intimiste Two Lovers (2008), James Gray réembarque pour la quatrième fois Joaquim Phoenix dans son univers mais cette fois dans une fresque d’époque se voulant plus classiquement grandiose et lui permettant d’aller jusqu’au bout de ses habituelles ambitions esthétiques. Œuvre visuellement travaillée au millimètre près, The Immigrant est comme un grand tableau de la Renaissance exposé derrière une vitrine : aveuglant de beauté mais très loin des hommes.
James Gray est un virtuose, nul doute là-dessus. The Immigrant est, encore, une vibrante preuve de sa capacité à illuminer chaque scène, chaque plan et chaque centimètre offert à la sensibilité de ses caméras. Jeu d’ombres et de lumières magnifiquement orchestré, son film atteint une forme de perfection esthétique où nombre de ses plans évoquent presque des tableaux de maître tant la richesse des gammes de couleur à l’écran semble venue d’ailleurs. 

Les amoureux du style seront donc sans doute éblouis par la grâce visuelle parcourant The Immigrant. Ajoutez à cela deux acteurs oscarisés ou oscarisables avec Marion Cotillard et Joaquim Phoenix, une plongée dans les profondeurs mythiques du rêve américain et vous obtiendrez un film semblant venir d’un autre temps, celui des grands mélodrames de l’âge d’or d’Hollywood. Il suffirait presque de fermer les yeux quelques secondes pour imaginer Audrey Hepburn, Cary Grant et Humphrey Bogart apparaître à l’écran comme aux plus belles heures du cinéma américain. Une machine à Oscars en quelque sorte, qui ne semble d’ailleurs pas avoir peur d’afficher ses ambitions de sublime.

Il manque pourtant quelque chose à The Immigrant une fois passée cette épaisse couche de vernis et de poussière délicatement instillée. Tout est en effet tellement poli, tellement ciré, tellement soigné dans le monde de James Gray qu’il ne semble y avoir de place pour rien d’autre que son obsession de la pureté, étouffant littéralement toute émotion qui n’entrerait pas dans sa grande machine esthétisante. Dans ce cinéma, expurgé de toute liberté de jeu, il n’y a plus de places pour les corps, qui pleurent mécaniquement comme des poupées de cire mais ressemblent plus à des créatures du Musée Grévin qu’à des êtres de chair.

Purs esprits, ses personnages semblent en effet tous habités par la même peur de se dévoiler que le film de James Gray est effrayé à l’idée de sortir une seconde de son pesant carcan formel. Peu aidés en cela par des répliques souvent toutes faites et une trame dramatique assez prévisible, ses acteurs paraissent coincés dans une armure de velours, ne sachant que faire de la psychologie pour le moins sommaire de leurs personnages. Même Joaquim Phoenix semble incapable de transcender ce discours policé à l’extrême, ses accès de violence frisant parfois la caricature. Un problème que ne peut avoir Jeremy Renner, esclave d’un personnage traversant le film comme un fantôme.

Le seul élément de discours identifiable du film est au final à chercher dans un catéchisme mystico-religieux aussi pénible que confus, culminant dans une scène finale qui constitue tout sauf un sommet, Joaquim Phoenix essayant en un plan d’instiller toute la rage et l’émotion manquant au reste du film, pari malheureusement impossible. Croyant pouvoir combler son manque d’audace scénaristique et psychologique par une surenchère d’effets de style, The Immigrant se fait statique et finit presque par provoquer l’ennui, le formidable moteur esthétique de James Gray semblant tourner dans le vide.  

Telle la statue de la Liberté, son film est finalement un monstre froid, terriblement imposant de loin mais de plus en plus vide  à mesure que l’on s’en approche.

Note : 6,5 (Barème notation)

Pour vous faire un avis par vous-même : la bande annonce


A suivre : Hunger Games

Pendant ce temps, Marion Cotillard a enfin réussi à faire la paix avec elle-même après ces dures années passées à trimer pour s'imposer en Amérique ...


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