Après le très intimiste Two
Lovers (2008), James Gray réembarque pour la quatrième fois Joaquim Phoenix
dans son univers mais cette fois dans une fresque d’époque se voulant plus classiquement
grandiose et lui permettant d’aller jusqu’au bout de ses habituelles ambitions
esthétiques. Œuvre visuellement travaillée au millimètre près, The Immigrant est comme un grand tableau
de la Renaissance exposé derrière une vitrine : aveuglant de beauté mais
très loin des hommes.
James Gray est un virtuose, nul
doute là-dessus. The Immigrant est,
encore, une vibrante preuve de sa capacité à illuminer chaque scène, chaque
plan et chaque centimètre offert à la sensibilité de ses caméras. Jeu d’ombres
et de lumières magnifiquement orchestré, son film atteint une forme de
perfection esthétique où nombre de ses plans évoquent presque des tableaux de
maître tant la richesse des gammes de couleur à l’écran semble venue d’ailleurs.
Les amoureux du style seront donc
sans doute éblouis par la grâce visuelle parcourant The Immigrant. Ajoutez à cela deux acteurs oscarisés ou
oscarisables avec Marion Cotillard et Joaquim Phoenix, une plongée dans les
profondeurs mythiques du rêve américain et vous obtiendrez un film semblant
venir d’un autre temps, celui des grands mélodrames de l’âge d’or d’Hollywood. Il
suffirait presque de fermer les yeux quelques secondes pour imaginer Audrey
Hepburn, Cary Grant et Humphrey Bogart apparaître à l’écran comme aux plus
belles heures du cinéma américain. Une machine à Oscars en quelque sorte, qui ne
semble d’ailleurs pas avoir peur d’afficher ses ambitions de sublime.
Il manque pourtant quelque chose
à The Immigrant une fois passée cette
épaisse couche de vernis et de poussière délicatement instillée. Tout est en
effet tellement poli, tellement ciré, tellement soigné dans le monde de James
Gray qu’il ne semble y avoir de place pour rien d’autre que son obsession de la
pureté, étouffant littéralement toute émotion qui n’entrerait pas dans sa
grande machine esthétisante. Dans ce cinéma, expurgé de toute liberté de jeu,
il n’y a plus de places pour les corps, qui pleurent mécaniquement comme des
poupées de cire mais ressemblent plus à des créatures du Musée Grévin qu’à des
êtres de chair.
Purs esprits, ses personnages
semblent en effet tous habités par la même peur de se dévoiler que le film de
James Gray est effrayé à l’idée de sortir une seconde de son pesant carcan
formel. Peu aidés en cela par des répliques souvent toutes faites et une trame
dramatique assez prévisible, ses acteurs paraissent coincés dans une armure de
velours, ne sachant que faire de la psychologie pour le moins sommaire de leurs
personnages. Même Joaquim Phoenix semble incapable de transcender ce discours
policé à l’extrême, ses accès de violence frisant parfois la caricature. Un
problème que ne peut avoir Jeremy Renner, esclave d’un personnage traversant le
film comme un fantôme.
Le seul élément de discours identifiable
du film est au final à chercher dans un catéchisme mystico-religieux aussi
pénible que confus, culminant dans une scène finale qui constitue tout sauf un
sommet, Joaquim Phoenix essayant en un plan d’instiller toute la rage et l’émotion
manquant au reste du film, pari malheureusement impossible. Croyant pouvoir combler
son manque d’audace scénaristique et psychologique par une surenchère d’effets
de style, The Immigrant se fait statique et finit presque par provoquer l’ennui,
le formidable moteur esthétique de James Gray semblant tourner dans le vide.
Telle la statue de la Liberté,
son film est finalement un monstre froid, terriblement imposant de loin mais de plus en plus vide à mesure que l’on s’en approche.
Note : 6,5 (Barème notation)
Pour vous faire un avis par
vous-même : la bande annonce
A suivre : Hunger Games
Pendant ce temps, Marion Cotillard a enfin réussi à faire la paix avec elle-même après ces dures années passées à trimer pour s'imposer en Amérique ...
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