vendredi 8 novembre 2013

Quai d'Orsay : Personnaz non grata

Je m’étais laissé convaincre par Quai d’Orsay en grande partie pour Raphaël Personnaz, qui malgré son assez jeune carrière est très rapidement devenu un de mes acteurs préférés. Ne me demandez pas pourquoi, c’est comme ça. Quoiqu’il en soit, c’était de toute évidence une décision idiote, et j’en ai été pour mes frais.
Si je devais m’inspirer d’une des très (et trop ?) nombreuses citations qui parsèment Quai d’Orsay, je dirais qu’en matière de cinéma comme en politique, il est préférable de choisir. Disons que ça n’est pas vraiment l’impression que m’a donnée le film. N’ayant pas lu la fameuse BD ayant inspiré le film en question, je me foutais pourtant éperdument de savoir si la copie serait conforme à l’originale et j’aurais même été ravi qu’elle ne le soit pas, si tant est que cela ait donné un bon film. Vous commencez à deviner la suite.

Prenons les choses méthodiquement, en commençant par le début. Raphaël, alias Arthur Vlaminck, jeune plume brillante mais un poil naïf et impressionnable, débarque un beau jour au Ministère des Affaires Etrangères pour travailler dans l’équipe de Thierry Lhermitte, alias Nom imprononçable alias Dominique de Villepin comme chacun sait même sans avoir lu la BD. De cette situation de départ, le film semble un temps, malheureusement court, se diriger vers une analyse des rapports entre ces deux zigotos que tout oppose, en se ménageant des encarts sur la vie de couple de ce cher Raphaël, ici maqué avec Anaïs Demoustier. C'est d'ailleurs l'histoire que semble raconter la bande-annonce, et comme celles-ci sont toujours de fidèles indications du contenu d'un film, c'est bien connu, pourquoi se méfier. Parfait donc.

Enfin parfait je ne sais pas, rien ne dit en réalité si oui ou non cette idée aurait à la longue suffi pour faire un bon film mais rassurez-vous on ne le saura jamais. Bertrand Tavernier, ou un quelconque réalisateur ayant repris le projet pendant que Bertrand était parti pêcher, explose en effet au bout d'un quart d'heure ce pacte de départ pour basculer dans un bordel parfois heureux mais surtout laborieux.

Passé la violence du choc, on découvre en effet très vite que l’engin ne sera qu’une vitrine pour laisser Thierry Lhermitte perfectionner son imitation de Mr Clearstream, un exercice certes pas si inintéressant que ça mais qui finit par tourner un peu en rond. Là donc est tout le drame de Quai d’Orsay : toute ébauche de dramatisation, d’analyse psychologique ou d’élargissement du cercle est sacrifiée pour ne conserver qu’une succession de démonstrations d’éloquence de la part d’Alexandre Taillard de Worms  (et oui, j’ai fini par prendre la peine de trouver le bon nom du personnage).

Résultat de cette entreprise délibérée d’anéantissement de toute velléité de réduction du champ d’action de Thierry Lhermitte, Raphaël Personnaz disparaît lui progressivement du film, littéralement. Relégué à un rôle de quasi imbécile heureux cartoonnesque, il est complètement perdu dans cette étrange machine à la gloire du langage pour le langage, englouti sous l’insignifiance des dialogues à sa disposition. Humiliation suprême, il est même doublé à sa droite par Niels Arestrup, une des rares vraies bonnes surprises de l’ensemble, aussi excellent que surprenant dans un registre comique qu’on ne lui soupçonnait pas forcément. Se faire voler la vedette par un mec qui n’a pas joué dans une comédie depuis son spectacle de fin d’année en 5ème, c’est quand même la loose. 

Cerise sur la gâteau, Bertrand Tavernier n’a apparemment pas eu trop envie de se casser le cul à reprendre le montage de son film pour en faire un tout cohérent et nous parsème quand même régulièrement son film d’intermèdes sur la vie de couple du petit Vlaminck, aussi creux que totalement inutiles à l’ensemble puisque Raphaël Personnaz n’a de toute façon presque plus aucune place dans la seconde moitié du film. Mais ç’aurait quand même été dommage de se passer d’une scène où Chouchou fait la valise de Loulou qui part à New York, en lui mettant 4 caleçons pour 3 jours parce qu’on sait jamais hein. Derrière un grand homme, il y a toujours une femme paraît-il. 

En résumé, Quai d’Orsay aurait pu être un chouette téléfilm ou même un docu-fiction un peu fantaisiste, mais peine à mériter le label de film. De la bande dessinée, Bertrand Tavernier emprunte finalement les vignettes, qu’il colle une à une sans vraiment faire l’effort de trouver des transitions décentes entre elles, ce qui s’appelle en fait un scénario.

Le refus de Bertrand Tavernier de nous offrir ce minimum syndical culmine d’ailleurs dans un fin complètement bâclée qu’il fait à peine le travail d’amener, alors que l’on comprend dès le début que toute la tension, si tant est qu’elle existait, devrait nous emmener vers le fameux discours de Dodo aux Nations Unies. Et bien non, ça non plus semble nous dire Monsieur Tavernier, pour qui cette incartade dans l’univers de la BD ressemble au final furieusement à des vacances tous frais payés. Ou à de la paresse, au choix. 

Ah, et j’oubliais, on a filé un petit rôle à Jane Birkin. C’est cool pour elle.

Note : 6,5 (Barème notation) Parce qu’on rigole un peu quand même, j’ai un peu chargé la barque. Mais ça apprendra le cinéma français à chasser les spectateurs avec des castings mensongers.

Pour vous faire votre propre avis : la bande annonce



A suivre : Inside Llewyn Davis (on me dit que Raphaël Personnaz n’est pas dedans)

Pendant ce temps, Thierry Lhermitte médite sur tout ça


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