lundi 25 novembre 2013

La maison à la tourelle : oh baby baby it's a wild world ...



A l’heure où j’aurais pu faire comme tout en chacun et rester tranquillement emmitouflé dans mon salon un chocolat chaud à la main, je ne sais pas exactement ce qui m’a poussé à aller voir un film ukrainien en noir et blanc racontant l’histoire d’un petit garçon orphelin perdu dans un pays ravagé par la seconde guerre mondiale. Sans doute l’espoir d’une illumination, la très sainte fête de Noël approchant. Seul spectateur dans la salle à n’avoir pas connu cette fameuse guerre de mon vivant, la réalité m’est alors finalement apparue : les choses ne sont parfois rien d’autre que ce qu’elles sont et le fils de Dieu nous a quittés depuis longtemps. Tant pis, après tout l’important avec le cinéma d’art et d’essai, c’est justement d’essayer.
S’il y a bien une chose que l’on ne peut pas reprocher au cinéma russe ou ukrainien*, c’est de se vautrer dans la légèreté et la futilité. Deuxième long-métrage d’Eva Neymann, élève de son illustre compatriote Kira Mouratova, La Maison à la tourelle est un film pour le moins lourd à digérer, incontestablement esthétique certes, mais très lourd quand même. 

Si son récit est aussi sinistre que peut l’être une histoire otage d’un tel contexte historique, le film d’Eva Neymann a en revanche le mérite d’être un travail esthétique de tous les instants, chaque plan ayant sans conteste été méticuleusement poli, l’héritage du patrimoine cinématographique soviétique et russe étant ici évident. La beauté épurée de son noir et blanc et la lenteur pesant sur chaque scène permettent par ailleurs à son film de s’échapper d’un réalisme trop académique, donnant à son œuvre un aspect quasi fantastique et très allégorique, sorte de conte slave de la descente aux enfers.

Indéniablement troublant et parfois hypnotisant, notamment grâce à l’interprétation plutôt réussie de son héros, La Maison à la tourelle a en revanche sans doute les défauts de ses qualités, l’obsession esthétique et formelle de sa réalisatrice menaçant constamment son film de tomber dans une pure contemplation un peu froide d’évènements sensés parler d’eux-mêmes. Un travers cependant limité à des proportions raisonnables pendant les deux premiers tiers du film, se clôturant sur la très belle irruption musicale d’une Gnossienne d’Eric Satie, nous laissant alors présager une conclusion très élégiaque. 

Au lieu de cela, Eva Neymann choisit de quitter sa petite bourgade enneigée et de nous faire monter dans un train qui ferait passer le Transperce-neige de Bong Joon-Ho pour un paisible TGV en direction de La Rochelle en plein mois d’août. De sinistre, son film se fait alors carrément lugubre et de plus en plus vain, laissant la contemplation s’emparer totalement de son récit et se laissant tenter par une galerie de portraits de pauvres hères ravagés par la guerre. Une imagerie certes assez traumatisante mais n’apportant pas grand-chose à l’histoire de son petit garçon, d’ailleurs curieusement absent de certaines séquences finales.

Semblant croire qu’il suffit de filmer des ruines sous la neige et des visages défaits pour dire quelque chose de neuf sur les horreurs d’une guerre que l’on connaît déjà très bien, elle nous perd autant qu’elle perd le fil de son récit, qui se clôture finalement dans la même brume ayant enveloppé une bonne partie de son film. Et le spectateur de se demander s’il était foncièrement utile de s’infliger cela volontairement alors qu’il faudra retrouver une fois dehors un froid cette fois bien réel, l’esprit chargé d’images prêtes à alimenter ses plus sombres cauchemars pour les nuits à venir.

Et bien oui, car il faut savoir souffrir, aussi.

*Pour être franc, je connais vaguement le cinéma russe et absolument pas le cinéma ukrainien, je me permets donc d’accoler les deux en raison de la longue histoire commune de ces deux peuples, certes parfois douloureuse pour l’un des deux. Les lecteurs ukrainiens auront donc tout à fait le droit de s’insurger devant ce raccourci culturel.

Note : 7 (Barème notation)

Pour vous faire un avis par vous-même : la bande annonce, qui évidemment ne vous dira à peu près rien sur le film


A suivre : Avant l’hiver (on n’en sort pas)

A part ça, le printemps reviendra un jour, je vous le promets


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