mardi 19 novembre 2013

Courrier des lecteurs : méritez-vous vraiment la place du milieu ?



Si mes précédentes réponses m’apparaissaient indispensables pour vous enseigner quelques fondamentaux de la vie en salle, j’admets avoir pour l’instant omis certains aspects moins éclatants mais tout aussi importants pour votre survie dans ce milieu hostile. Je vais maintenant m’y atteler en en traitant l’une après l’autre toutes vos questions les plus concrètes. 


Comment être sûr d'être à la hauteur pour s'installer en plein milieu d'une rangée ?




Comme toutes les grandes interrogations existentielles, cette question n’a pas de réponse simple. Si la place centrale est fréquemment considérée comme un signe extérieur de réussite sociale, ce pouvoir symbolique qu’elle vous offre entraîne également de graves responsabilités et il est essentiel que vous vous connaissiez assez avant de faire un choix lourd de conséquences. Ne connaissant bien évidemment pas la totalité de vous assez intimement pour dresser votre profil psychologique, je vous propose donc de répondre aux deux questions suivantes, qui vous donneront une réponse claire sur la marche à suivre pour prendre cette décision délicate.

- Avez-vous peur de l’engagement ? Si c’est le cas, réfléchissez-y à deux fois avant de vous ruer sur ce siège qui vous apparaît de loin comme la juste récompense à  l’effort que vous avez produit pendant 15 minutes pour supporter les ignobles discussions de vos voisins de file. Êtes-vous réellement capable de vous projeter 45 minutes dans le futur et de savoir si vous voudrez toujours être assis dans ce fauteuil devant ce film pas très glorieux que vous aviez tellement honte de vouloir voir que vous avez choisi la bonne vieille séance de lundi soir à 22h30 ? Pouvez-vous vraiment écarter l’hypothèse que la vérité profonde de l’existence vous apparaisse en pleine séance et vous force à vous précipiter vers l’issue la plus proche pour retrouver l’air libre et la merveilleuse suite de votre vie ? Êtes-vous véritablement sûr qu’une minable envie pressante ne va pas commencer à vous comprimer la vessie dans 20 minutes ? Et d’ailleurs vous souvenez-vous vraiment de la dernière fois où vous vous êtes rendu aux sanitaires ? Maintenant que vous y pensez, est-ce que vous ne venez pas de vous enfilez deux sodas dans la dernière demi-heure ? 

Si vous avez correctement répondu à toutes ces questions, félicitations, vous méritez votre place au soleil et vous pouvez vous installer à cette place hautement symbolique marquant clairement votre supériorité sur tous les idiots vous entourant. Si vous avez triché, tant pis pour vous, la suite des événements n’en sera que plus sordide pour vous.

Si vous avez failli au moins une fois, vous n’êtes donc malheureusement qu’une parodie d’être humain. C’est certes assez répandu mais cela n’excuse rien, il n’y a donc pas de quoi être fier. Je ne pourrais que vous suggérer de vous prendre en main mais j’ai peur de ne pas avoir le temps de trouver les mots justes, je préfère donc me concentrer sur l’essentiel. Malgré votre pitoyable immaturité qui ne vous mènera sûrement pas loin dans la vie, il vous reste pourtant une chance de salut. Je ne saurais que trop vous conseiller de la saisir, mais je ne suis pas sûr de pouvoir vous faire confiance.

- En plus d’être un(e) adolescent(e) attardé(e), êtes-vous un(e) lâche ? Aussi abrupte que puisse paraître cette question, elle est essentielle pour vous permettre de finalement découvrir si vous méritez de vous installer confortablement sur ce superbe fauteuil où aucun imbécile de quelque sorte que ce soit ne pourra vous obliger à vous lever 6 fois pour pouvoir tranquillement se balader dans le cinéma comme s’il était dans son salon. Car votre instabilité chronique, en plus d’avoir probablement déjà ruiné votre relation avec le sexe opposé, aura une conséquence immédiate peut-être moins grave mais bien réelle : il va bien falloir passer outre ces 5 à 15 inconnus ne vous inspirant que peur et/ou mépris et qui se situent par malchance exactement entre vous et ce couloir vous menant au paradis, ou au moins vers cette illusion qui vous permettra un temps de fuir des responsabilités qui finiront irrémédiablement par vous retomber dessus un jour. Car vous pouvez fuir toutes les réalités que vous voulez, celle-ci ne disparaîtra pas au bout d’une rasade de whisky : il vous faut maintenant vous lever la tête haute, gâcher la séance de toute la rangée de derrière tout en piétinant successivement 10 personnes qui passeront sans aucun doute les 5 prochaines minutes à imaginer avoir eu le courage de vous insulter comme du poisson pourri ou carrément vous éclater vicieusement le tibia dans l’obscurité. Et oui, tout se paie. 

Si à l’issue de cette seconde partie, vous faites encore et toujours partie de la mauvaise moitié de l’humanité, je n’oserais cette fois pas vous accabler car vous êtes en réalité le ou la plus à plaindre : vous ne valez rien, ou à peu près. Un peu embarrassé d’être celui par qui cette gênante nouvelle arrive enfin à votre cerveau l’ayant quand même bien cherché, je ne peux que vous inciter à pour une fois accepter que la réalité ne se plie pas à vos fantasmes. Installez donc vous là où vous avez votre place et où vous ne pourrez pourrir la vie de personne : à droite ou gauche toute. A défaut de valoir le prix que vous avez payé pour accéder à la salle, cette place aura au moins le mérite de vous apprendre l’humilité puisqu’un grand nombre d’incorrigibles indécis dans votre genre prendront un malin plaisir à vous faire relever toutes les 10 minutes. Observez-les alors au moment précis où leur visage frôle le vôtre, vos regards pouvant presque se croiser dans l’obscurité : eux ont au moins un semblant de courage.

Que cette mésaventure puisse au moins vous servir de leçon, si tant est que vous ayez un fond de maturité vous permettant d’apprendre quoi que ce soit, ce qui me paraît hélas loin d’être évident. 

Bonne séance tout de même.

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