mardi 4 février 2014

Jacky au royaume des filles : théorie du genre



5 ans après une entrée remarquée avec Les Beaux Gosses, Riad Sattouf revient au cinéma avec Jacky au royaume des filles, ambitieuse comédie potache teintée de conte philosophique. Exercice forcément difficile menaçant à chaque seconde de sombrer dans la farce grossière, son film n’en est pas moins osé ce qui n'excuse pas tout mais tout de même.

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Jacky au royaume avait franchement tout pour être un vilain nanar : un concept de départ amusant mais pouvant très facilement basculer dans la vulgarité bien grasse, Didier Bourdon en 2014, un humour de cour d’école, Anémone en 2014, … Il suffisait d’ailleurs d’avoir vu la bande annonce pour comprendre que la frontière entre innovation et bouffonnerie risquait d’être floue. En homme de bande dessinée, Riad Sattouf n’a pourtant pas eu peur de mettre les pieds dans le plat et c’est sans doute la plus grande qualité de son film, qui ne manque pas de défauts mais qui a le mérite d’exister.

Jacky au royaume des filles n’est certes pas un chef d’œuvre, nul doute là-dessus. Passé l’idée de départ (ce sont les hommes qui sont opprimés dans un pays à mi-chemin entre l’Afghanistan et la Corée du Nord), Riad Sattouf ne déploie ainsi pas des torrents de finesse et d’esprit et se laisse assez souvent aller à la guignolerie, particulièrement dans une seconde moitié si confuse qu’elle en oublie presque de nous faire rire ce qui est quand même embêtant pour une comédie n’ayant pas trop les moyens de faire autre chose.

On regrettera d’ailleurs que l’arrivée de Charlotte Gainsbourg à l’écran casse un peu la dynamique d’un film qui se portait plutôt bien jusque-là, l’estimable volonté de Riad Sattouf de casser l’image artistique de Charlotte Gainsbourg pour l’inscrire dans la pitrerie ne débouchant pas sur grand-chose de concluant.

En dépit de tout cela, il est indéniable que Jacky est un vrai film de genre osé comme on n’en fait quasiment pas ou plus en France, surtout dans le domaine de la comédie complètement saccagé par le conformisme, et Riad Sattouf mérite rien que pour cela une forme de reconnaissance car il n’y a pas tant de réalisateurs que cela capables de prendre le risque du ridicule pour faire rire.

Son film est en effet un grand n’importe quoi parfois drôle, surtout dans une première partie pastichant ouvertement le conte philosophique et donnant lieu à de nombreux gags bien trouvés à défaut d'être très fins. Il faut bien sûr être client d’un humour très potache et un peu régressif mais c’est un genre en soi et pas forcément le plus mauvais quand il est bien exécuté. Une liberté est certes prise avec le bon goût mais c'est aussi cette liberté qui fait tout l'intérêt de l’œuvre de Riad Sattouf, qui n'a pas peur de repousser les limites du tolérable pour arriver à ses fins. Peu importe donc au fond que celles-ci soient par moments carrément pulvérisées, la liberté est à ce prix.

On ne s’étonnera pas dans cette optique que Riad Sattouf fasse à nouveau confiance à Vincent Lacoste qu’il avait déjà propulsé au star system avec Les Beaux Gosses, forme de copinage peut-être mais pas illogique vu la performance de Vincent Lacoste, lui aussi très bon lorsqu’il s’agit de se brimer sans aucune retenue et d'oublier tout respect de soi. Un Vincent Lacoste que l’on avait d’ailleurs déjà vu à son avantage en 2012 dans l’intéressant JC comme Jésus Christ de Jonathan Zaccaï, autre OVNI comique français qui prouve qu’il existe une voie en dehors des sentiers battus pour ceux qui ont l’audace de les emprunter.

L’audace ne suffit bien sûr pas toujours et Jacky au royaume des filles flirte tout de même de plus en plus dangereusement avec le nanar à mesure que la fin s’approche, fin d’ailleurs passablement ratée.

Il n’empêche, vu la pauvreté créative de la comédie française contemporaine il est assez rafraichissant de goûter pour une fois à autre chose, même si cet autre chose a une drôle d’odeur.

Osons.



Pour vous faire votre avis par vous-même : la bande annonce



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