jeudi 28 août 2014

Maestro

Comédie dramatique française de Léa Fazer - 1h25
Avec Pio Marmai, Michael Lonsdale, Deborah François, Alice Belaïdi

Un scoop : Jésus Christ a été à deux doigts de se marier, mais un barbu en combinaison verte est intervenu au dernier moment.

Présentation : c’est un film assez singulier qui nous est proposé cet été avec Maestro. Finalement réalisé par Léa Fazer, celui-ci était à l’origine un projet de scénario du défunt acteur Jocelyn Quivrin qui voulait ainsi raconter son histoire, celle du choc de sa rencontre avec le cinéma d’Eric Rohmer sur le tournage de Les Amours d’Astrée et de Céladon (2007). Décédé en 2009 (Eric Rohmer l'ayant suivi moins de 2 mois après), Jocelyn Quivrin n’a hélas pas pu mener son projet à son terme et c’est donc Léa Fazer, après des années de galère pour reprendre le bébé, qui a finalement réussi à le relancer, avec l’accord d’Alice Taglioni, la compagne de Jocelyn Quivrin dont la rencontre est aussi narrée dans le film. C’est au final Pio Marmai qui est chargé d’interpréter le rôle de Jocelyn Quivrin, Michael Lonsdale celui d’un cinéaste ressemblant beaucoup à Eric Rohmer et Deborah François celui d’une actrice ressemblant beaucoup à Alice Taglioni.

Étonnant film en effet que ce Maestro, qui peut se lire de façon assez différente selon que l'on soit familier ou pas avec l'univers d'Eric Rohmer.

Côté pile, si on ne l'est pas, une comédie plutôt attachante, assez enlevée pendant une bonne partie du film et au final presqu'émouvante de naïveté : une gentille farce que l'on pourrait renommer "Les Charlots chez le cinéma d'auteur". Du choc total des cultures entre le cinéma en apparence hautement intellectualisé de Rohmer et un jeune et encore très brut de décoffrage Jocelyn Quivrin jaillissent évidemment facilement certains bons voire très bons gags, comme la géniale parodie d'une scène de Rohmer à l'écran que visionnent bouches bées Pio Marmai et son acolyte. Un humour du décalage par ailleurs grandement facilité par la nature très particulière du film évoqué ici (Les amours d'Astrée et de Céladée), dernier long-métrage d'Eric Rohmer et loin d'être le plus immédiat. Assez d'ingrédients donc pour produire un agréable moment de cinéma, même s'il est un peu gâché par un final assez bâclé où Léa Fazer se contente de sortir les violons sans aller chercher d'autres subtilités, pourtant le matériau par essence de l'univers rohmérien.

Côté face justement, pour les amoureux de Rohmer, voici une improbable immersion dans l'œuvre du plus discret compagnon de route de la Nouvelle Vague. On est forcément au moins un peu fasciné par cet espèce de bêtisier de tournage, dont la valeur quasi documentaire ne pourra que râvir ceux qui se sentent orphelins des étonnantes et si épurées œuvres de l'étrange monsieur Rohmer. Goût des mots, attention aux choses de la nature, économie de moyens, ... ce sont bien les coulisses de la petite entreprise rohmérienne qui nous sont ici ouvertes et l'on se prend alors vite au jeu, espérant quelque part pouvoir profiter d'une sorte d’œuvre posthume du maître.

Mieux vaut peut-être un peu tempérer ses espoirs car ...
  • Léa Fazer n'est clairement pas Eric Rohmer et son film n'est en lui-même pas vraiment un chef d’œuvre, surtout dans sa dernière partie qui ressemble de plus en plus dangereusement à une comédie française plus commune.
  • L'importance donnée à l'histoire d'amour entre Pio Marmai et Déborah François (qui joue le rôle que Jocelyn Quivrin avait écrit pour sa compagne Alice Taglioni), pour l'occasion réinsérée dans le tournage du film de Rohmer alors que cette rencontre avait eu lieu à un autre moment, éclipse hélas un peu la rencontre avec Eric Rohmer, qui est pourtant le sujet du film que l'on voudrait voir traité à fond. Faisant cela, Léa Fazer ferait presque de ce Rohmer, ici interprété par l'excellent Michael Lonsdale, un personnage secondaire, un aimable fou qui serait presque plus drôle à ses dépens que vraiment sérieux. Un choix de portrait qui peut avoir un double tort : celui de ne pas satisfaire les amoureux de Rohmer qui auraient peut-être aimé aller au-delà de la caricature, et celui de donner une idée très illuminée du cinéma de Rohmer, dont tous les films ne sont pourtant pas aussi ampoulés que ces Amours d'Astrée et de Céladon.
Tous ces défauts mis à part, il faut tout de même reconnaître que Maestro, par ce ce qu'il porte en lui au-delà des questions de style, reste un film assez unique et quelque peu émouvant quand on y repense bien. Il a aussi l'immense mérite d'attirer le regard sur une œuvre plus franchement à la mode mais si singulière qu'elle n'aura probablement jamais de véritables héritiers. Ça sent le carton pour les prochaines soirées Thema 'Eric Rohmer' sur Arte ...

Bilan globalement positif donc.

PS : à noter pour l'anecdote que Cécile Cassel, qui jouait dans le long-métrage de Rohmer, devait reprendre son rôle dans le film de Léa Fazer mais a du finalement le refiler à Alice Belaïdi pour des problèmes d'agenda. Dommage, le symbole aurait pour le coup été assez fort ...

Note : 7,5 (Barème notation)

La bande-annonce  

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