samedi 30 août 2014

Sils Maria

Drame français d'Olivier Assayas - 2h03
Avec Juliette Binoche, Kristen Stewart, Chloë Grace Moretz


Présentation : à la mort du metteur en scène qui l'a révélé dans la pièce Maloja Snake où elle jouait la jeune et manipulatrice Sigrid, Maria Enders (Juliette Binoche) finit par accepter l'offre d'un jeune metteur en scène de rejouer vingt après cette pièce, mais cette fois-ci dans le rôle d'Helena, une femme mûre qui sera victime des amours maléfiques de la jeune Sigrid. Malgré l'aide de son assistance Valentine (Kristen Stewart) qui essaie de la mettre à l'aise dans ce nouveau rôle, Maria n'arrive pas à se faire à ce changement de rôle, et attend sa rencontre avec la très jeune Jo-Ann Ellis (Chloë Grace Moretz), chargée d'interpréter Sigrid, avec une impatience teintée d'angoisse ... Tout ceci dans les paysages paisibles des Alpes Suisses, évidemment.

Sils Maria, c'est le type même de film dont on ne sait pas forcément quoi penser en sortant : reste à savoir si c'est une bonne chose dans le cas présent.

D'un côté, il est difficile de ne pas accorder à Olivier Assayas le mérite d'avoir réalisé un film aussi élégant que subtil, dont la façon d'évoquer le temps qui passe par la dualité malsaine entre deux personnages de théâtre ne manque pas d'intelligence et de piquant. En développant tout du long cette métaphore et en semant sans cesse fausses pistes et nombreux sous-textes, Assayas donne à son film une incontestable hauteur de vue, atmosphère qu'il cultive largement en nappant le tout de musiques d'Haendel et de paysages intemporels. Il s'agit en effet de bien montrer que l'on est dans quelque chose de sérieux et profond, c'est fait.

Au-delà de ce simple abattage formel, on est est également obligé de reconnaître à Assayas une formidable intuition sur le choix de ses actrices, les trois femmes se partageant l'affiche étant ici toutes trois excellentes et surtout plus vraies que nature. Plus qu'ailleurs on sent bien ici la volonté qu'a du avoir Assayas d'adapter chacun de ces rôles à la personnalité même de ses interprètes, travail d'orfèvre qui rajoute encore au flou épais qu'il tente de créer autour de son film, bien symbolisé d'ailleurs par ce fameux "serpent de Maloja" dont les nuages obsèdent Maria Anders. Au-delà de l'ambiguïté créée par l'intrigue même, c'est ainsi une autre couche d'opacité qui vient s'ajouter si l'on s'attarde un peu à imaginer chaque personnage comme une forme de projection de chaque actrice, ou du moins de l'image publique que l'on peut en connaître ... Des coïncidences particulièrement troublantes pour Juliette Binoche et Chloë Grace Moretz, dont on a presque l'impression qu'elle auraient pu jouer leur propre rôle sans que cela change grand chose au fond du film. Impossible donc de mieux incarner ces personnages, dont la caractérisation psychologique est une des grandes forces du film.

Pourtant, parce qu'il faut bien un pourtant, il y a quelque chose qui ne semble jamais vraiment démarrer dans Sils Maria, la mise en scène très sérieuse d'Olivier Assayas semblant brider jusqu'au bout le supplément d'âme qui aurait pu se dégager d'un film si prometteur. Sils Maria laisse ainsi l'amère sensation qu'il aurait pu être encore plus passionnant et surtout plus émouvant si Assayas ne s'en était pas tenu tout du long à un style hyper-académique ne permettant jamais vraiment d'aller voir ce qui se passe au-delà de ce flou artistique qu'il dresse majestueusement. A barricader son film derrière sous-entendus et fausses pistes, il finit ainsi par rendre une copie très propre mais frustrante, tant les potentialités semblaient là pour aller beaucoup plus loin dans l'exploration du vice. Ce n'était certes peut-être pas son intention, mais à semer autant d'indices en route il était difficile de ne pas s'attendre à plus.

Une frustration qu'Assayas semble par ailleurs cultiver très soigneusement, sa curieuse obsession de couper chaque scène 5 secondes trop tôt alors que l'on voudrait voir ce qui peut arriver à ce moment précis attestant de la volonté de montrer qu'il est bien le seul maître à bord. Cette maîtrise formelle incontestable est au final à la fois une qualité et un défaut, ce qui résume bien l'ambivalence de son film. Une qualité car elle lui permet de bâtir un ouvrage d'une mystérieuse élégance que l'on ne peut s'empêcher de vouloir déchiffrer. Une défaut aussi car elle lui interdit de complètement livrer son film à ses spectateurs, ne pouvant que contempler le spectacle derrière une épaisse vitre qui empêche de complètement distinguer le sens de tout cela.

En résumé, parce que je me perds un peu, un film que l'on a envie d'aimer mais qui se refuse un peu à nous.

Note : 8 (Barème notation)

La bande-annonce


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