jeudi 7 août 2014

Moonwalk One

Documentaire de Theo Kamecke
US - 1h48

C'est bien gentil de regarder les étoiles mais pendant ce temps plus personne ne surveille le parking

Présentation : Presque 35 ans après sa sortie aux États-Unis et 32 après sa présentation au festival de Cannes (Prix Spécial du Jury), Moonwalk One sort finalement en France, étrange hasard du calendrier 2 ans après la mort de son principal héros, Neil Armstrong. Dissertation libre sur le premier pas de l'homme sur la Lune, le documentaire de Theo Kamecke est sans aucun doute un des plus étranges objets filmés que vous aurez l'occasion de voir cette année sur des écrans français.

Moonwalk One, ça n'est pas vraiment le documentaire type que vous pourrez voir sur France 5 ou Arte, à moins de supposer que Fred et Jamy se soient perdus en plein milieu du festival de Woodstock et aient ingéré une sacré quantité de trucs marrants. S'ouvrant comme un film hippie des années 60/70 qui semble invoquer on se sait quelle divinité perdue entre l'Inde et les vapeurs de l'herbe médicinale, Moonwalk a ainsi tout des standards culturels de cette époque désormais bien révolue, en faisant de ce fait un trésor archéologique assez réjouissant. Par son montage chaotique, par son ambiance musicale gavée d'orgues, d'échos lointains et de sons saturés, le doc de Theo Kamecke est ainsi un beau testament d'une époque où l'on avait ainsi apparemment pas peur de filmer sous l'effet de substances diverses et variées, et pourrait d'ailleurs tout à fait servir de clip vidéo à un album complet de Pink Floyd*.

* Note : ce billet a été écrit sans l'aide de quelconques substances mais justement sous l'effet de l'écoute de Atom Heart Mother de Pink Floyd, subtertuge parfait pour se replonger dans l'atmosphère du film.

Au moins autant qu'un témoignage scientifique, ce Moonwalk One est donc bel et bien une vraie œuvre artistique, comme le prouve d'ailleurs le fait que son réalisateur ait vite choisi d'abandonner le cinéma pour carrément se consacrer à la sculpture. Mais il ne faudrait pas pour autant croire que Moonwalk One n'est qu'un délire de hippies car 35 ans après il est impossible de ne pas reconnaître également à cette étrange fatras filmé une véritable valeur scientifique et historique, voire même philosophique.

Scientifique d'abord parce qu'au delà de ses circonvolutions artistiques, Moonwalk One est un vrai documentaire remarquablement documenté, l'appui de la NASA ayant permis à Theo Kamecke d'offrir aux spectateurs des images souvent inédites et proprement splendides. Si la valeur ajoutée de l'artiste est bien là, on pense notamment au décollage d'Appolo monté de façon absolument bluffante, tout cela n'aurait pas été possible sans un travail préalable de montage qui ne doit rien au hasard ou à l'ingestion de substances quelconques. En parallèle des évocations quasi-spirituelles semées ici et là, Moonwalk One porte d'ailleurs un vrai effort de vulgarisation scientifique, remettant bien au goût du jour cet exploit scientifique insensé qu'a représenté le voyage sur la Lune compte-tenu des moyens de l'époque, fait objectif que l'on a sûrement tendance à oublier aujourd'hui. C'est dans cette alternance assez unique de démonstrations presque scolaires et de méditations quasi-transcendantales que Moonwalk One trouve sa singularité, largement fonction de l'époque qui l'a vu naître.

Historique également car Moonwalk One, raison pour laquelle il a sans doute attendu 35 ans pour sortir en France, est une œuvre très américaine, construite sur le modèle du récit national. Certes à mille lieux du patriotisme traditionnel, pas vraiment l’obsession de l'époque dans les cercles hippies, le doc de Theo Kamecke est pourtant bien la tentative de compréhension d'une aventure très américaine, et des ressorts intime de la fascination de l'espace chez ses compatriotes. Compatriotes qu'il aime à montrer tous unis dans la même incrédulité face à l'énormité de la chose, participant en cela d'une forme de remise à jour de la bonne vieille cohésion nationale. S'il tente bien sûr d'universaliser la chose par quelques cartes postales récoltées de par le monde, cette drôle de fusée reste marquée du signe "USA", façon de rappeler que c'est bien l'oncle Sam qui a posé le pied sur la Lune et pas l'ogre soviétique.

Apport philosophique enfin car tout au long de son documentaire, Theo Kamecke cherche à aller plus loin que le simple constat philosophique et historique, son œuvre s'ouvrant et se clôturant d'ailleurs sur la même référence symbolique au mystère des pierres de Stonehenge. Reliant ainsi très intelligemment la grande aventure humaine du progrès scientifique au besoin vital de l'humanité de rechercher ses origines et de résoudre enfin une part du mystère du sens de cette vie qui semble toujours lui échapper, Moonwalk est sans doute l'un des plus beaux hommages qui peut être fait à la conquête spatiale, forme ultra-sophistiquée d'une interrogation elle ultra-simple mais qui hante l'humanité depuis toujours : qui sommes-nous ?

Salauds d'Américains, il faut décidément qu'ils aient toujours le dernier mot ... Je ne désespère cela dit pas que l'on monte nous aussi en France un très beau documentaire sur la formidable aventure scientifique et humaine de l'invention de la poêle en téflon par Téfal en 1954, qui a quand même précédé la petite ballade lunaire des Ricains de 15 ans. Ca aurait franchement un peu plus de gueule. SLETO est d'ailleurs prêt à centraliser les candidatures pour participer à ce beau projet. Un niveau de connaissance minimal dans les arts de la cuisine est requis, ainsi qu'une bonne maîtrise de la fonction vidéo de l'iPhone 4s. N'hésitez pas.

Note : 8,5 (Barème notation)

La bande-annonce


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