Grand fan de Danny Kaye, Ben Stiller tente avec La vie rêvée de Walter Mitty de marcher dans ses pas en adaptant à
son tour la nouvelle de James Thurber (1939), déjà transposée à l’écran en 1947
avec son idole. Très poussif mélange de comédie, de roman d’aventure et de
conte philosophique, son film le ramène malheureusement à une triste
réalité : il ne suffit pas de décréter que l’on veut faire un film sérieux
pour qu’il soit bon.
Euh je voudrais pas foutre la merde mais elles arrivent quand les blagues Ben ? |
Peut-on faire du bon cinéma avec
des bons sentiments ? Cette question, que je n’ai pas inventé puisqu’elle
était posée récemment par un magazine à l’évocation du film de Ben Stiller, est
bien entendu un peu simpliste mais a le mérite d’ouvrir un vrai débat et
surtout le mérite encore plus grand de me permettre de débuter cette chronique
de manière solennelle.
Oui, il me semble tout à fait
possible de faire du bon cinéma avec des bons sentiments, et beaucoup l’on déjà
fait, je ne vais pas vous faire la liste, ce serait long et fastidieux et je
n’ai surtout pas envie de prendre le temps de le faire. Ceci étant, Ben Stiller
n’a apparemment lui pas appris la recette.
Si l’on ne peut pas retirer à Ben
Stiller la sincérité de son projet, il y a en effet assez de naïvetés cinématographiques
et de raccourcis dramatiques dans La vie
rêvée de Walter Mitty pour faire l’objet d’un cours en première année
d’école de cinéma sur les erreurs à ne pas commettre pour un premier
long-métrage. Oui je sais c’est gratuit, je n’ai aucune compétence en la
matière justifiant cette attaque minable mais ça n’en est pas moins vrai.
Je n’ai jamais vraiment aimé les
mélanges entre la réalité et la fantaisie, l'univers de Tim Burton m’ayant pour
cette raison toujours laissé de marbre. Mais j’admets que Tim
Burton est un vrai réalisateur et fait de bons films si tant est que l’on aime
son univers. Ce n’est malheureusement pas le cas de Ben Stiller. En voulant
explorer trois dimensions (comique, fantastique, aventure) pour livrer une
vaste et ambitieuse réflexion sur la vie, il se perd en effet complètement en chemin et
nous embarque dans un univers aussi confus que terriblement caricatural, et
c’est sans doute là que réside le gros du problème.
Vaguement intriguant au début,
même si les scènes de rêves éveillés de Walter Mitty m’ont personnellement paru
aussi longues et répétitives que sans intérêt, le concept du film de Ben Stiller
aurait après tout peut-être pu donner un résultat acceptable, voire même
agréable. Le beau-fils préféré de Robert de Niro n’a malheureusement pas encore
les épaules pour passer du projet au produit et nous offre pendant deux heures
une somme impensable de clichés cinématographiques et de philosophie de
supermarché qui ferait presque passer Marc Lévy pour un candidat au prix
Goncourt.
Il y a en effet dans Walter Mitty à peu près tous les pénibles
clichés que l’on peut généralement attendre d’un premier film : scénario
aussi prévisible qu’invraisemblable (ce qui est certes en soi une performance),
personnages stéréotypés à l’extrême, dialogues très courts, mélo
sentimentaliste mille fois vu, musique à fond pour souligner chaque tournant
dramatique (cet effet est appelé dans le jargon « technique des Petits mouchoirs », ne me demandez pas
pourquoi), leçon philosophique empruntée à un livre de méditation new-age pour
adolescentes, fin plus attendue qu’un épisode de Plus belle la vie, … Bref, un très mauvais remake d'Amélie Poulain, Jean-Pierre Jeunet en moins.
Bon certes Ben Stiller a eu la
bonne idée de prendre l’avion et de nous faire visiter l’Islande, qui a l’air
d’être un joli pays. Et il semble parfois se souvenir qu’il fut un
temps où il aimait à nous faire rire, ce qui évite de tomber trop vite dans un
demi-sommeil profond. Mais c’est à peu près tout.
On ne sait sinon pas trop ce qui
a pu convaincre Sean Penn d’apporter sa caution personnelle à ce grand
déballage de lieux communs, sa rencontre finale avec Walter Mitty étant
d’ailleurs à la limite du grotesque, mais espérons qu’il aura récolté assez
d’argent avec ce rôle pour nous dispenser d’autres apparitions de ce genre.
Réponse au sujet de la
dissertation donc : Ben Stiller ne sait pas (encore) faire du bon cinéma
avec des bons sentiments. Souhaitons-lui qu’il apprenne vite.
Note : 5 (Barème de notation)
Pour vous faire votre avis par vous-même : la bande annonce
A suivre : Oldboy ou Fruitvale Station, ou aucun des deux
Des paparazzis déguisés en Sean Penn et Ben Stiller, dernière astuce à la mode sur les collines d'Hollywood |
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