mardi 14 janvier 2014

Moscou 1973 / L'amour en URSS : Can't buy me love



Je cherchais depuis un moment le film qui me permettrait de marquer une séparation complète avec mon lectorat, signifiant clairement que je ne suis pas de votre monde. Après des semaines de recherche acharnée du film que personne d’autre que moi ne pourrait aller voir et encore moins apprécier, j’avais enfin trouvé la perle rare : Moscou 1973, un film sur la jeunesse russe des années 1970 projetée dans 3 salles en France. Ah ah, je suis plus intelligent que vous.

La dernière tendance à Brooklyn

Moscou 1973 m’a déçu.

Oui, car Moscou 1973 n’a rien du film intellectuel de base, celui que l’on va voir dans une salle moisie du fond du quartier latin et qui prend un malin plaisir pendant 2 heures à attaquer notre conscience de petit bourgeois occidental en nous mitraillant de symbolisme et de poésie primaire à prendre au septième degré.

Non, car Moscou 1973 n’est pas non plus un film russe. N’y cherchez aucune méditation métaphysique, réflexion politique ou dissertation philosophique. N’y cherchez pas non plus une analyse de la société russe sous l’URSS, ou la moindre subtilité du genre qui émerveillera les profs d’histoire, les anciens militants trotskystes ou les jeunes étudiants de la Sorbonne.

Dès les premières minutes, Karen Shakhnazarov affiche en effet clairement son ambition : Moscou 1973 est l’adaptation russe tardive de tout le courant cinématographique américain de la contre-culture Woodstock ayant prospéré aux Etats-Unis au tournant des années 60 et 70 à grand renfort de produits hallucinogènes et de garde-robe fantaisiste. Sans aucune retenue et avec une certaine application et sincérité, Karen Shakhnazarov réalise ainsi le film qu’auraient pu réaliser des opposants russes dans les années 1970 en copiant leurs lointains cousins américains, un projet certes un peu anachronique mais indéniablement original, qui se joue complètement de la solennité que l’on attend généralement du cinéma russe. Une façon également maline de renvoyer à une époque même si cette relecture soviético-hippie semble très liée à une génération, voire même à une classe sociale puisque ce n'est pas vraiment le petit peuple qu'on semble nous montrer là.

Une fois compris cette ambition, il est du même coup difficile de ne pas voir dans chaque scène un revival 70’s plaisant mais un peu daté. Moscou 1973 a en effet tout du cinéma hippie des années 60-70, des couleurs au rythme en passant par la musique, toutes ces influences étant digérées à la pelleteuse pour évoquer tour à tour Hair, un clip des Beatles, The Graduate ou un film d’Antonioni. Une filiation évidente allant jusqu’à sa conclusion, étrange évocation métaphysique aux relents de Zabryskie Point qui aurait très bien pu être tournée dans la Vallée de la Mort en Californie ...

En toute logique, Moscou 1973 a malheureusement aussi les défauts d’un genre qui a certes cassé beaucoup de codes mais pas toujours très finement, donnant l’étrange impression générale d’avoir été bâclé, toute subtilité se voyant sacrifiée sur l’autel de la pop culture. Pour le moins prévisible, un poil caricatural et pas vraiment bien joué voire pas joué du tout, Moscou 1973 semble ainsi plus relever du film témoignage qu’autre chose, valant plus pour son originalité que pour sa qualité intrinsèque, en dehors d'un vrai travail sur l'image et la géométrie qui rappelle par moments l'univers visuel de Wes Anderson, lui même venu tout droit de la grande époque des pattes d'éléphants et des narcotiques à gogo.

Une fois passé cet écueil, il faut toutefois bien admettre qu’il est relativement facile de s’amuser dans cet univers quasi cartoonesque, en tout cas bien plus que dans les habituels films intellectuels lourds de sens auxquels on s’attend généralement dans ce contexte. Si le divertissement n’est pas tout, ce n’est pas rien non plus et Moscou 1973 a au moins cette vertu, d’autant plus que l’on reste en dépit de tout cela assez loin du blockbuster décervelé de base, c’est en russe sous-titré quand même. Un divertissement de rigueur pour les gens sérieux donc.

Dans toute cette trivialité, on n’en oublierait d’ailleurs presque que Moscou 1973 nous apprend en réalité quelque chose : l’Amérique a aussi gagné la guerre froide grâce aux Beatles et aux mini-jupes.


Note : 7 (Barème de notation)


Pour vous faire votre avis par vous-même : la bande annonce


La bande annonce ici, qui vous sera très utile puisqu'elle n'est pas sous-titrée


A suivre : A coup sûr

L'armée russe a toujours été en avance sur son temps comme le prouve ce superbe uniforme féminin aussi pratique qu'esthétique

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