Je cherchais depuis un moment le film qui me permettrait de marquer une
séparation complète avec mon lectorat, signifiant clairement que je ne suis pas
de votre monde. Après des semaines de recherche acharnée du film que personne d’autre
que moi ne pourrait aller voir et encore moins apprécier, j’avais enfin trouvé
la perle rare : Moscou 1973, un film
sur la jeunesse russe des années 1970 projetée dans 3 salles en France. Ah ah,
je suis plus intelligent que vous.
La dernière tendance à Brooklyn |
Moscou 1973 m’a déçu.
Oui, car Moscou 1973 n’a rien du film intellectuel de base, celui que l’on
va voir dans une salle moisie du fond du quartier latin et qui prend un malin
plaisir pendant 2 heures à attaquer notre conscience de petit bourgeois
occidental en nous mitraillant de symbolisme et de poésie primaire à prendre au
septième degré.
Non, car Moscou 1973 n’est pas non plus un film russe. N’y cherchez aucune
méditation métaphysique, réflexion politique ou dissertation philosophique. N’y
cherchez pas non plus une analyse de la société russe sous l’URSS, ou la
moindre subtilité du genre qui émerveillera les profs d’histoire, les anciens
militants trotskystes ou les jeunes étudiants de la Sorbonne.
Dès les premières
minutes, Karen Shakhnazarov affiche en effet clairement son ambition : Moscou 1973 est l’adaptation russe tardive
de tout le courant cinématographique américain de la contre-culture Woodstock
ayant prospéré aux Etats-Unis au tournant des années 60 et 70 à grand renfort de produits hallucinogènes et de garde-robe fantaisiste. Sans aucune
retenue et avec une certaine application et sincérité, Karen Shakhnazarov
réalise ainsi le film qu’auraient pu réaliser des opposants russes dans les
années 1970 en copiant leurs lointains cousins américains, un projet certes un
peu anachronique mais indéniablement original, qui se joue complètement de la solennité
que l’on attend généralement du cinéma russe. Une façon également maline de renvoyer à une époque même si cette relecture soviético-hippie semble très liée à une génération, voire même à une classe sociale puisque ce n'est pas vraiment le petit peuple qu'on semble nous montrer là.
Une fois compris cette ambition, il est du même coup difficile de ne pas voir dans chaque scène un revival
70’s plaisant mais un peu daté. Moscou 1973 a en effet tout du cinéma hippie
des années 60-70, des couleurs au rythme en passant par la musique, toutes ces
influences étant digérées à la pelleteuse pour évoquer tour à tour Hair, un clip des Beatles, The Graduate ou un film d’Antonioni. Une
filiation évidente allant jusqu’à sa conclusion, étrange évocation métaphysique
aux relents de Zabryskie Point qui
aurait très bien pu être tournée dans la Vallée de la Mort en Californie ...
En toute logique, Moscou 1973 a malheureusement aussi les
défauts d’un genre qui a certes cassé beaucoup de codes mais pas toujours très
finement, donnant l’étrange impression générale d’avoir été bâclé, toute
subtilité se voyant sacrifiée sur l’autel de la pop culture. Pour le moins
prévisible, un poil caricatural et pas vraiment bien joué voire pas joué du
tout, Moscou 1973 semble ainsi plus relever
du film témoignage qu’autre chose, valant plus pour son originalité que pour sa
qualité intrinsèque, en dehors d'un vrai travail sur l'image et la géométrie qui rappelle par moments l'univers visuel de Wes Anderson, lui même venu tout droit de la grande époque des pattes d'éléphants et des narcotiques à gogo.
Une fois passé cet
écueil, il faut toutefois bien admettre qu’il est relativement facile de s’amuser
dans cet univers quasi cartoonesque, en tout cas bien plus que dans les
habituels films intellectuels lourds de sens auxquels on s’attend généralement
dans ce contexte. Si le divertissement n’est pas tout, ce n’est pas rien non
plus et Moscou 1973 a au moins cette
vertu, d’autant plus que l’on reste en dépit de tout cela assez loin du
blockbuster décervelé de base, c’est en russe sous-titré quand même. Un
divertissement de rigueur pour les gens sérieux donc.
Dans toute cette
trivialité, on n’en oublierait d’ailleurs presque que Moscou 1973 nous apprend en réalité quelque chose : l’Amérique a
aussi gagné la guerre froide grâce aux Beatles et aux mini-jupes.
Pour vous faire votre avis par vous-même : la bande annonce
La bande annonce ici, qui vous sera très utile puisqu'elle n'est pas sous-titrée
A suivre : A coup sûr
L'armée russe a toujours été en avance sur son temps comme le prouve ce superbe uniforme féminin aussi pratique qu'esthétique |
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